Dr Izzeldin Abuelaish, un médecin pour la paix : « Les soignants sont les messagers de l'humanité »

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Publié le 17/05/2025
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Le Dr Izzeldin Abuelaish, premier chirurgien palestinien autorisé à exercer en Israël, a perdu ses trois filles et une nièce dans un bombardement israélien en 2009. Cette tragédie marque un tournant dans sa vie. Depuis, il aspire à « transformer en message de paix » ce drame. Dans le documentaire Un médecin pour la paix, sorti au mois d’avril, la réalisatrice Tal Barda met à l’honneur son parcours hors du commun.

Crédit photo : DR

« La santé est un moteur pour un voyage vers l'humanité, l'égalité, la liberté et la justice, car la médecine aide les gens à guérir », explique avec passion le Dr Izzeldin Abuelaish. Né dans le camp de réfugiés Jabaliya à Gaza en 1955, ce gynécologue-obstétricien palestinien formé à Londres, et spécialisé dans l’infertilité, a choisi de travailler en Israël. « Quand je suis retourné à Gaza, se souvient-il, pendant ce que l'on appelle la première intifada, le manque d'accès à des soins de qualité m’a frappé. À ce moment-là, j’ai commencé à communiquer avec des médecins israéliens. »

Le 16 janvier 2009, un obus frappe son domicile à Gaza, trois de ses filles et une nièce sont tuées. Plutôt que de sombrer dans la haine, il décide de transformer « cette tragédie en action positive. Les innocents palestiniens sacrifiés comme d’autres à travers le monde, doivent contribuer à la paix, la justice, l’égalité, la liberté et la dignité » explique-t-il. En ce sens, il fonde Daughter’s for Life, une organisation caritative canadienne qui offre aux jeunes femmes la possibilité de poursuivre des études supérieures.

L’hôpital est un espace fondamental d’égalité

Celui pour qui la paix est un concept fondateur porte sa vocation médicale au plus profond de lui. Sa profession de foi : « Les soignants sont les messagers de l'humanité. Nous devons renforcer cette approche, l'adopter, l’humaniser — et non la politiser ». Nommé cinq fois pour le prix Nobel de la paix, le Dr Izzeldin Abuelaish a raconté son histoire dans un livre, I shall not hate [Je ne haïrai pas] , publié en 2010 et traduit en 25 langues. La réalisatrice Tal Barda a choisi de le porter à l’écran en avril 2025, dans un documentaire, Un Médecin pour la paix, en respectant la seule exigence de ce médecin : « Garder son histoire authentique. »

Les traitements prodigués aux patients ne prennent en compte ni la couleur, ni l’origine, ni l’ethnicité, mais uniquement la maladie.

 

Pour lui, l’hôpital est un espace fondamental d’égalité : « Si vous allez dans n’importe quel hôpital à Paris, ou ailleurs, vous verrez que c’est un lieu où se croisent des gens d’origines, d’ethnies, de religions différentes. Les traitements prodigués aux patients ne prennent en compte ni la couleur, ni l’origine, ni l’ethnicité, mais uniquement la maladie. Nous voulons que les patients soient guéris et retournent chez eux. Nous voulons qu’ils soient libérés de la maladie. »

L’obstétrique l’a conquis pour la portée humaine et symbolique de cette spécialité. « L'impact de mon travail est immédiat. Quand je délivre un bébé, la beauté naît de la douleur du travail. Nous obtenons un sourire et ce cri du nouveau-né signifie l’espoir et la vie. Le moment le plus heureux de ma vie, c'est quand je donne le bébé à sa mère. C’est le seul cri qui signifie vie et bonheur » affirme-t-il avec émotion.

Un médecin engagé

Le documentaire, Un Médecin pour la paix, primé trois fois dans des festivals internationaux, mêle avec pudeur plusieurs styles : témoignages personnels du médecin, images d’archives, et séquences animées qui permettent une mise à distance respectueuse des événements tragiques.

Le praticien, pour qui « rien n’est impossible », poursuit inlassablement son œuvre en faveur de la paix entre la Palestine et Israël avec une conviction sans faille. « Quand vous voyez ce qui se passe à Gaza, la responsabilité vous appartient de parler d'exposer, de plaider, de se lever pour dire que ce n'est pas acceptable, que c'est injuste, que c'est de la violence. Il faut mener des actions positives, ne pas répondre à la violence par la violence afin de dire que la liberté des Palestiniens est égale à celle des Israéliens, des Français, de tout le monde. Nous devons nous lever, dénoncer, et agir ensemble. Femmes, hommes, enfants, personnes âgées — nous devons parler de notre monde, construire des ponts, et ne laisser personne de côté. Nous sommes tous un. »


Source : lequotidiendumedecin.fr