Le diabète est jusqu’à quatre fois plus fréquent dans les populations précaires avec un déséquilibre légèrement plus marqué chez les femmes. La progression du diabète (plus de 3 millions de diabétiques traités par agents pharmacologiques en 2014) renvoie à celle de la précarité (20 % de la population). Et, au fil des ans, les disparités territoriales s’enkystent, fonction de l’indice de désavantage social, avec des prévalences élevées en outremer, dans les régions Nord et Nord-Est de la métropole ainsi qu’en Seine-Saint-Denis.
La précarité influence défavorablement à la fois le dépistage, l’équilibre glycémique, les complications et le suivi du diabète. Ce dernier est une maladie emblématique des inégalités sociales en santé (ISS) avant tout parce que les deux premiers traitements sont la diététique et l’activité physique.
« Cela concerne le "prendre soin de soi", résume Dr Éric Drahi, coordonnateur médical Réseau Diabolo (Loiret), qui requiert de s’investir dans sa santé, d’être autonome et de faire des choix. Or lorsque le choix est de savoir comment subvenir aux besoins primaires ou affronter les difficultés au travail, il est difficile lorsqu’on est fragile socialement d’investir sur sa santé, a fortiori dans une maladie longtemps asymptomatique ». Si la survenue d’un diabète dépend en partie d’un support génétique, « elle est très dépendante néanmoins des conditions de vie, d’abord l’alimentation et l’exercice physique, et dans une moindre mesure le manque de sommeil et le stress, renchérit le Pr Claude Jaffiol, vice-président de l’Académie nationale de médecine et coordinateur de l’enquête Diabète et précarité. Or ces quatre facteurs se retrouvent avec des perturbations bien plus fréquentes chez les populations précaires ».
Au sein de la population diabétique l’impact des inégalités sociales sur certains recours aux soins, suivis ophtalmologique et dentaire notamment, reste considérable comme le confirme l’étude Entred (BEH 30-32, 12 novembre 2014). Bonne nouvelle, en revanche, la qualité du suivi biologique et cardiologique et les niveaux de désavantage social ne sont pas liés. Dans Entred 2007 comme en 2001, aucune association n’a été mise en évidence entre l’indicateur de suivi cardiologique (« au moins une consultation de cardiologie et/ou un ECG annuel ») et l’indice de désavantage social. Concernant les dosages biologiques recommandés annuellement (trois dosages d’HbA1c, un dosage des lipides, un dosage de la microalbuminurie, un dosage de la créatininémie), le suivi s’est même amélioré entre 2001 et 2007 et ce quel que soit le niveau de désavantage social.
Des solutions entre les mains du généraliste
Autre constat : les diabétiques au niveau socio-économique parmi les plus faibles recourent plus souvent au généraliste, mais moins aux spécialistes. La balle est donc dans leur camp pour réduire les inégalités sociales en santé (ISS). Dépister précocement les sujets à risque de diabète est aussi un véritable enjeu au sein des populations défavorisées. « Dans ces populations précaires, le diabète est dépisté trop tardivement, au stade des complications, souligne le Pr Jaffiol. De plus, les règles hygiéno-diététiques, la prévention des conduites à risque est d’autant plus efficace qu’elle est prodiguée aux sujets jeunes et rejaillit sur la famille ». Des rôles à endosser pour les soignants de premier recours.
Dans la pratique, contribuer à la réduction des ISS dans le diabète consiste aussi pour un médecin généraliste à faciliter l’accès aux soins (tiers payant, horaires et accueil adaptés), l’informer du parcours de soins pour le rendre autonome et lui permettre de bénéficier des soins, y compris préventifs, nécessaires quelles que soient ses difficultés sociales. Les personnes défavorisées sont davantage inscrites en ALD, reflet d’une plus grande attention du médecin à la situation sociale des patients défavorisés ou encore de la présence d’une comorbidité ou d’une complication.
L’éducation thérapeutique du patient (ETP) est aussi demandée pour un pourcentage important de diabétiques précaires (62,8 %). Cependant, elle « se révèle plus complexe et moins productive dans les populations avec un faible niveau d’éducation ou du fait de la barrière de la langue », poursuit Claude Jaffiol. Dans le diabète, il s’agit de la construction d’un projet de santé (et non pas de soin) médico-psycho-social qui s’inscrit dans le temps, mis en place par la personne elle-même avec l’aide des intervenants, pourquoi pas au sein d’un réseau de soins. « Ne pas accroître les ISS exige des actions très personnalisées voire individuelles, avertit Éric Drahi, à l’opposé des programmes éducatifs clé en main : une ETP intégrée au soin, avec une forte implication des soignants de premier recours ».
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