La majorité des cancers due à des fautes de frappe ? Deux mutations génétiques sur trois responsables de cette pathologie résulteraient d'erreurs lors de la réplication de l'ADN au moment de la division cellulaire. C'est du moins ce que suggère une étude américaine récemment publiée dans Science.
« Il est largement prouvé qu'en évitant certains facteurs comme le tabac ou l'obésité on réduit le risque de cancer », relève Cristian Tomasetti, professeur adjoint de biostatistiques au centre du cancer de l'Université Johns Hopkins, un des auteurs de l'étude. Cependant, selon lui lors de chaque division cellulaire, lorsque l'ADN est copié, de « nombreuses erreurs sont faites, c'est un aspect longtemps sous-évalué scientifiquement », souligne-t-il.
Les chercheurs persistent et signent
Le Pr Tomasetti et son collègue le Pr Vogelstein, qui a codirigé ces travaux, avaient déjà auparavant publié une première étude controversée en 2015. Celle-ci suggérait que les mutations aléatoires se produisant lors de la réplication de l'ADN étaient la cause principale de la survenue de cancer.
Or, une autre étude parue fin 2015 dans la revue Nature avançait des résultats différents : le tabagisme, des substances chimiques, l'exposition aux rayons ultraviolets ou autres facteurs environnementaux provoquaient la plupart des cancers.
Dans cette nouvelle étude, les deux chercheurs ont élargi leur modèle mathématique, et y ont inclus 32 types de cancer. Ils se seraient servis de données provenant de 69 pays (l'équivalant de 4,8 milliards de personnes).
Ainsi, ils ont estimé qu'il faut au moins deux mutations génétiques délétères pour provoquer un cancer, que celles-ci proviennent du hasard, d'un facteur environnemental ou de prédispositions génétiques.
Quelle cause majeure pour quel cancer ?
Selon les calculs, 66 % des mutations cancéreuses résultent d'erreurs suite à une division cellulaire tandis que 29 % sont dues à des facteurs environnementaux et au mode de vie et 5 % à l'hérédité. « La plupart du temps ces mutations sont inoffensives mais parfois elles se produisent dans un gène qui déclenche un cancer », explique le Pr Bert Vogelstein.
De même, cette proportion varie selon le type de cancer. Par exemple, 77 % des cancers du pancréas proviendraient d'une erreur lors de la réplication de l'ADN, tandis que 18 % seraient dus à d'autres facteurs comme le tabac ou l'alcool et 5 % à l'hérédité. Pour le cancer de la prostate, du cerveau et des os, 95 % seraient le fait d'une copie défectueuse de l'ADN lors de la division cellulaire. En revanche, pour le cancer du poumon, 65 % seraient dus au tabagisme et 35 % à des erreurs de réplication de l'ADN.
Des valeurs qui restent théoriques
Pour les auteurs, ces conclusions corroborent les études épidémiologiques indiquant que près de 40 % des cancers pourraient être évités par une bonne hygiène de vie. C'est en effet le pourcentage avancé par l'INCa, ainsi que par son homologue britannique the Cancer Research UK. En revanche, the US Centers for Disease Control and Prevention estiment que seulement 21 % des cas de cancers seraient évitables.
Si ce travail de modélisation reste intéressant, ces estimations sur les causes de cancer restent théoriques. Les prédispositions génétiques héritées au fil des générations, l'environnement ou les erreurs de réplication de l'ADN sont trois facteurs qui interagissent les uns avec les autres. La vérité n'est donc sûrement pas si simple. D'ailleurs, les deux chercheurs estiment que la poursuite des efforts de santé publique pour notamment encourager une alimentation plus saine et une activité physique régulière peut toujours avoir un impact majeur contre le cancer.
Alors la majorité des cancers dus à des fautes de frappe ? Peut-être, mais elles-mêmes dues à quoi ? Au hasard, vraiment ? Ou au fait qu'il manque des touches au clavier ?
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