LE QUOTIDIEN : Qu’adviendra-t-il de vos patients si le dispositif des haltes soins addictions (HSA) n’est pas pérennisé au 31 décembre prochain ?
Dr ÉLISABETH AVRIL : La convention qui nous lie à l’AP-HP est claire : si l’expérimentation n’est pas renouvelée, nous devrons quitter les locaux. Nous cherchons un moyen de pérenniser l’activité de repos et notre travail médical et social de suivi, de dépistage et de vaccination. Si l’activité de consommation sécurisée s’arrête, ce sont 250 injections par jour qui retourneront à l’extérieur, dans les parkings et le square. Cela représente davantage d’infections, y compris d’hépatites C, et des overdoses mortelles. Avec la salle, nous estimons en éviter une vingtaine par an. Il y a aussi tout le suivi des maladies chroniques, et le travail social qui risque de s’arrêter. On est face à des personnes qui sont cliniquement très sévères pour qui nous sommes le dernier filet avant le cimetière : elles ont 20 ans de plus que leur âge. Dans leur cas, je parle de médecine de guerre. Depuis que la salle est implantée, nous avons obtenu une stabilité, voire une baisse de la délinquance : nous ne sommes plus le quartier le plus problématique du 10e arrondissement.
Depuis que la salle est implantée, nous avons obtenu une stabilité, voire une baisse de la délinquance
Si, au contraire, les HSA devaient être pérennisées, dans quels lieux faudrait-il implanter de nouveaux dispositifs en région parisienne ?
Compte tenu du nombre de consommateurs dans le nord-est parisien et les quartiers périphériques, je pense que cinq salles supplémentaires seraient nécessaires en les adaptant aux différents contextes. En 2019, nous avons ouvert un centre d’accueil porte de la Chapelle, qui avait vocation à être un espace de consommation, mais qui n’a été validé que pour son volet d’accueil, de soin et d’accompagnement. Résultat : les gens consomment devant la porte ou ce sont des scènes abominables, ils se font agresser, les femmes se font violer et ils sont harcelés par la police. Un homme est mort récemment d’une chute dans le canal. Ces lieux ne devraient pas exister, et ils n’existeraient pas s’il était possible de consommer dans un lieu sécurisé.
Il y a aussi la question d’Aulnay-sous-Bois, où il y a un Caarud** géré par l’association Aurore en face de l’hôpital Robert-Ballanger et un bâtiment abandonné dans l’hôpital où on marche littéralement sur les seringues et où il y a des overdoses mortelles chaque année. Nous avons un projet d’espace de consommation à cet endroit.
Cinq salles supplémentaires seraient nécessaires en Île-de France
Quelles sont les évolutions récentes de la consommation de drogues à Paris ?
Il y a actuellement une arrivée massive de cocaïne en Europe, et beaucoup de consommateurs de crack se réorientent vers la cocaïne injectée devenue moins chère et plus facile à utiliser. Cela amène une prise de risque bien plus importante en ce qui concerne les maladies infectieuses et les troubles du comportement sévères.
* Centres de soin, d’accompagnement et de prévention en addictologie
** Centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues
Dr Élisabeth Avril (association Gaïa) : « Nous sommes le dernier filet avant le cimetière »
La cancérogénicité du glyphosate se confirme chez le rat
Implant Nexplanon : de nouvelles recos de l’ANSM en cas de migration
Santé sexuelle à l’ère du numérique : des opportunités à saisir
Covid long : la physiopathologie est polymorphique chez les patients non hospitalisés