Depuis plusieurs mois, l'eau est distribuée au compte-gouttes aux 310 000 habitants de Mayotte, qui connaît sa plus importante sécheresse depuis 1997. Malgré les mesures d’urgence pour gérer la pénurie (accès à l'eau potable un jour sur trois, distributions de bouteilles pour les plus vulnérables et déploiement de citernes), la situation sanitaire est impactée.
« En ce moment, un patient sur cinq vient consulter pour un trouble plus ou moins lié au manque d'eau », témoigne le Dr Ahmed Abdou Mohamed qui exerce dans un cabinet à Pamandzi, en Petite-Terre. Alors que l’archipel connaît actuellement une épidémie de gastro-entérite, les soignants s’inquiètent du nombre de patients présentant des troubles digestifs ou une déshydratation. D’autant que cette situation sanitaire s’inscrit dans le contexte d’une pénurie de soignants.
Dès septembre, le personnel du centre hospitalier de Mayotte (CHM) à Mamoudzou s’inquiétait de l’impact de l’épidémie et de la crise de l’eau sur un système de santé à bout de souffle. Alors que « la place du médecin de proximité est plus importante que celle des urgences » dans la prise en charge de la gastro-entérite, « le manque de moyens en amont reporte l’activité sur les urgences », expliquait alors la Dr Alimata Gravaillac, cheffe du service des urgences du CHM.
Une situation éprouvante pour les soignants
Le directeur de l'Agence régionale de santé (ARS), Olivier Brahic, reconnaît que « la situation est parfois compliquée dans les services », tout en indiquant que « les renforts de personnel se sont accélérés depuis le mois de juin ». « On se donne comme timing de disposer de renforts au moins jusqu'à fin janvier 2024 », poursuit-il.
La situation n’en reste pas moins éprouvante pour les soignants. « Le service est saturé de bébés avec des diarrhées et des vomissements », résume anonymement une urgentiste du CHM. Dans le service de réanimation, un autre soignant, qui demande également à ne pas être nommé, affirme que des patients « arrivent à un stade de déshydratation avancé ». Il cite le cas d'un bébé qui « va se retrouver avec séquelles neurologiques irrémédiables ».
Le directeur de l'ARS constate aussi « des cas de déshydratation suite à des gastro-entérites aiguës qui arrivent avec un retard de prise en charge », mais il martèle qu'« aucun nourrisson n'est décédé à cause du manque d'eau, contrairement aux "fake news" qui ont pu circuler ».
Début octobre, Santé publique France estimait qu'il y avait « probablement » un lien entre les restrictions actuelles d'accès à l'eau potable sur l'île et l'épidémie de gastro-entérite d'« une intensité et une durée supérieure » aux années précédentes. L’agence mettait aussi en garde contre le risque de diffusion d'autres maladies.
À ce sujet, Olivier Brahic rappelle qu’« à ce jour, on ne connaît pas de recrudescence ou de flambée épidémique de maladies hydriques. Il n'y a aucun cas de choléra enregistré ». Concernant la fièvre typhoïde, « nous avions 123 cas l'année dernière contre 13 depuis le début de cette année. En partant du principe que la crise de l'eau a débuté mi-août, nous avons eu quatre cas sporadiques », poursuit-il. Pour le Dr Ahmed Abdou Mohamed, l'urgence « face à un problème de santé publique majeur » est d’accélérer « impérativement » la distribution d'eau en bouteilles.
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