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Grève de la faim, l'intersyndicale et l'ARS ont entamé des négociations

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Publié le 07/06/2018
Rouvray

Rouvray
Crédit photo : GARO/PHANIE

« J'arrêterai la grève de la faim lorsque j'aurai des garanties et obtiendrai satisfaction. C'est un moyen de pression tout à fait à la hauteur de nos revendications », explique Thomas Petit, infirmier en grève de la faim depuis une quinzaine de jours à l'hôpital psychiatrique du Rouvray (Rouen) mardi 5 juin à Décision Santé.

Cette détermination a obligé la directrice de l'agence régionale de santé, Christine Gardel et son équipe, à prendre langue avec l'intersyndicale CGT-CFTC-CFDT-Sud sur le site même de l'hôpital. Les grévistes réclament 52 créations de postes en unités de soins. L'ARS en propose 40. Toutefois, l'intersyndicale dénonce le fait qu'il s'agit pour la plupart d'entre eux de redéploiements.

Retour sur la chronologie du conflit.

Diverses actions ont été initiées par les personnels depuis le 22 mars. Le 24 mai, deux jours après le début de la grève de la faim, la direction avait estimé qu'il « n'y avait plus de suroccupation dans l'établissement à la suite d'un ensemble d'actions mises en place le 15 avril », notamment par l'embauche de cinq contractuels. Les syndicats avaient alors jugé ce chiffre « ridicule ». De plus, avant la grève de la faim, l'ARS avait indiqué que l'hôpital était déjà surdoté par rapport aux autres établissements de la région et dans la moyenne par rapport à la norme nationale.

Lundi 4 juin, trois personnels grévistes de la faim arrêtent leur mouvement. Selon les médecins qui les suivent, leur état de santé s'était trop dégradé. Le même jour, un salarié se rallie à leur groupe de protestation. Puis un autre gréviste doit aussi stopper son action. Au total, sur les sept grévistes de la faim, quatre sont encore sur le site.

Selon Thomas Petit, « les médecins ont jugé que l'état de ces personnes était proche du critique. Ils ont demandé leur évacuation. Les raisons de leur arrêt sont multiples (usure physique, psychique, drame familial...) ».

Lundi soir, 1 100 personnes, cette fois tous personnels hospitaliers confondus, apportent leur soutien aux grévistes en défilant dans les rues de Rouen. Une autre manif a eu lieu le jeudi 7 juin avec les dockers et les cheminots à Rouen. Après une réunion qui a tourné court le mercredi 6 juin dans la soirée, la délégation a été reçue le jeudi 7 juin dans un premier temps en préfecture avec la direction de l'ARS le matin, puis l'après-midi sur le site même de l'hôpital.

Audits à répétition

Cette action a incité les pouvoirs publics à reprendre langue avec les personnels en grève. Alors que deux audits ont déjà été réalisés en deux ans, la ministre de la Santé Agnès Buzyn avait demandé un audit flash lundi 4 juin.

Selon Franck Prouhet, médecin généraliste proche des grévistes, « les salariés ont déjà mené beaucoup d'actions comme des manifs et des occupations de l'ARS, et cela depuis des années. Faute de réponse de la part de la direction, ils ont décidé d'entamer une grève de la faim. En plus des créations de postes, ils réclament l'ouverture d'une unité d'accueil des adolescents. » Selon lui, le dernier rapport pointait déjà la souffrance au travail et préconisait la création de 56 postes, quatre de plus que les revendications des personnels. Ceux-ci avaient initialement chiffré leurs besoins à 197, toutes catégories professionnelles confondues. En réalité, le nombre de personnels soignants stagnerait, voire diminuerait à cause de la forte hausse du nombre d'arrêts maladie de courte durée (+ 40 %).

Pas d'oreiller pour les lits de camp

Nombre d'entre eux sont sous antidépresseurs, selon la représentation syndicale citée par le journal Le Monde. Ils culpabilisent sur le sort des mineurs qui doivent cohabiter avec des adultes. Selon le Dr Gilles Barthe, praticien hospitalier depuis quinze ans et depuis trois ans dans l'établissement, « j'ai constaté un jour qu'une patiente installée sur un lit de camp n'avait pas d'oreiller. L'infirmière m'a répondu qu'il n'y en avait pas pour les lits supplémentaires et qu'elle était obligée de le remplacer par des serviettes enroulées avec une taie ». Ces lits de camp installés partout dans les bureaux, les sanitaires... témoignent de la sursaturation des capacités d'accueil de l'établissement.

15 000 postes en moins ?

Selon le Dr Prouhet, l'arrière-plan de ces difficultés a été dessiné par l'orientation budgétaire sans cesse à la baisse initiée par les gouvernements successifs : « Avec la circulaire d'Agnès Buzyn qui concerne les budgets d'hospitalisation des établissements, cette nouvelle diminution correspond selon l'Association des directeurs d'hôpitaux à la suppression de 15 000 postes supplémentaires. » Suite au mouvement de protestation qui s'est aggravé avec la grève de la faim, l'idée d'un nouvel audit a été abandonnée. Les personnels de l'ARS dédiés initialement à l'audit se sont transformés en négociateurs. Avec une obligation de résultats. L'issue doit être trouvée avant le vendredi 8 juin au soir.

 


Source : lequotidiendumedecin.fr