Depuis son émergence au début des années 2000, la santé digitale est présentée comme un soutien potentiel au « bien vieillir » et à une de ses composantes majeures : le maintien à domicile. En témoigne « une profusion d’initiatives », comme l’a souligné l’ingénieur Patrick Malléa, lors de la 41e Journée annuelle de la Société française de gériatrie et de gérontologie (SFGG).
Parmi celles-ci, la télésanté pourrait faciliter la prise en charge à domicile des personnes âgées. « Dans une décision partagée patient-médecin, en alternant rendez-vous physiques et à distance, on peut espacer les déplacements », avance Nathalie Salles, professeur de gériatrie, présidente de la SFGG et ex-présidente de la Société française de santé digitale.
Un suivi optimisé
Mais c’est surtout en améliorant le suivi des patients âgés – et ainsi en prévenant les évènements susceptibles de mener à une hospitalisation – que la télésanté pourrait jouer un rôle. Car, comme le souligne Nathalie Salles, ce mode d’exercice à distance facilite la convergence médico-soignante autour du patient. En particulier, après un évènement ayant conduit aux urgences, elle pourrait simplifier le dialogue entre le patient et ses aidants, l’hôpital, le généraliste, les spécialistes, le pharmacien, l’infirmier, etc. Et favoriser ainsi l’identification des déterminants de la décompensation de la maladie chronique, l’accident médicamenteux ou domestique ayant mené à l’hôpital, etc.
En outre, la télésanté permet d’ancrer le suivi des seniors dans leur vie quotidienne. La téléconsultation donne par exemple la possibilité d’observer le patient dans son environnement et de le rendre plus acteur de ses soins : « les patients sont chez eux, se sentent immédiatement rassurés et donc intégrés à la consultation », explique Nathalie Salles.
Les dispositifs connectés, capables d’enregistrer des données de santé et de transmettre celles-ci aux professionnels de santé ou du soin, vont, eux, plus loin, autorisant en théorie une télésurveillance en vie réelle des patients âgés. C’est par exemple le cas de piluliers, balances, saturomètres, voire montres ou vêtements connectés monitorant de façon continue différents paramètres. « Ces dispositifs permettent de repérer des problèmes de santé avant qu’ils ne s’aggravent et d’éviter des consultations inutiles lorsque tout va bien », estime Nathalie Salles.
Manque de formation
Cependant, même si la téléconsultation s’est développée à la faveur de la crise sanitaire, elle reste, en population gériatrique, l’apanage des hôpitaux et des Ehpad. « Trop de médecins de ville pensent qu’elle constitue une solution dégradée », déplore le Pr Salles. Un manque de matériel et une formation insuffisante des libéraux à la télésanté sont aussi en cause.
La télésurveillance souffre, elle, d’un manque d’objectifs clairs : « Que surveiller ? Quels problèmes régler par les nouvelles technologies ? », s’interroge Patrick Malléa. En outre, les outils et les infrastructures nécessaires à l’exploitation des nombreuses données générées par les appareils connectés apparaissent peu accessibles dans le secteur ambulatoire. Si bien qu’à l’heure actuelle, la surveillance en vie réelle peine à sortir des études cliniques.
Se pose aussi la question de l’adhésion des patients aux dispositifs connectés et plus généralement à la santé numérique.
À noter que, selon la gériatre, l’écran TV peut être un facteur clé de la réussite des téléconsultations chez les plus âgés. Les plus de 90 ans accepteraient en effet même mieux les messages de santé formulés à distance que ceux confiés en face-à-face, ce que les anthropologues expliquent par le crédit accordé par ces « générations télé » aux paroles diffusées via ce type d’écrans.
Cependant, la mauvaise adaptation des objets connectés aux besoins des seniors est un problème. « Pour que les nouvelles technologies soient complètement acceptables par des personnes âgées souffrant de tremblements, rhumatismes, troubles ophtalmologiques, il faudrait trouver des outils qui ne soient pas utilisables que par les doigts et la vue », indique Nathalie Salles.
Mais c’est surtout l’isolement numérique qui pourrait faire obstacle à la santé digitale. Patrick Malléa relève aussi un difficile apprentissage du numérique – qui se fait essentiellement « en regardant, en étant en contact » – dans un contexte de réduction des interactions sociales.
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