Le Généraliste. Le rapport Morlat privilégie un dépistage ciblé sur les seuls sujets exposés au risque. Il reprend ainsi la position du CNGE de janvier 2012...
Pr Jean-Pierre Aubert*. On estime à environ 30 000 le nombre de personnes vivant avec le VIH sans le savoir. Ces personnes favorisent la propagation du virus. Les généralistes, qui voient 85% de la population française une fois par an au moins, peut-il faire une action de dépistage d’envergure ? En 2010, le rapport Yéni proposait un dépistage systématique du VIH en médecine générale chez tous les patients de 15 à 70 ans. Mais le CNGE a pointé deux difficultés. D’une part, proposer ce dépistage reste délicat. Cela suppose une vaste action de formation des généralistes, pour qu’ils dépassent leurs propres angoisses sur cette maladie et apprennent à la dépister simplement. D’autre part, ce dépistage cible 30 000 personnes parmi 40 millions : la plupart des généralistes, ne voyant jamais de test positif, risquent de se décourager. D’où l’idée de cibler d’abord les populations à risque. Le rapport Morlat propose aussi de « profiter des possibilités occasionnelles de dépistage » : changement de partenaire, mariage...
Le généraliste doit-il demander à ses patients s’ils présentent des comportements à risque ?
J.-P. A. C’est une question à l’étude. Lors d’un interrogatoire neutre et bienveillant, le généraliste qui pose déjà des questions simples et neutres concernant les facteurs de risque cardiovasculaire, la consommation d’alcool, de tabac, de cannabis et d’héroïne, peut-il y ajouter la question des rapports avec des personnes de même sexe, pour les hommes ?
Quelle est la place du généraliste dans les stratégies de traitement précoce préconisées dans le rapport Morlat ?
J.-P. A. En moyenne, un généraliste voit entre 0 et 1 patient infecté par le VIH en France : le VIH n’est pas sa priorité ! Le nouveau message à faire passer est : toute personne porteuse du VIH doit être mise sous traitement antirétroviral dans les mois qui suivent le diagnostic, quel que soit son taux de CD4. Sans urgence, sauf si le taux de CD4 est inférieur à 350/mm3. Pour les patients, le message est : l'infection par le VIH est une maladie grave quand elle n'est pas traitée, mais le traitement en fait une maladie chronique, rien de plus. On vit aujourd’hui avec des représentations du VIH anxiogènes et dépassées. Le généraliste a un rôle de filtre pour modifier ces représentations anciennes.
Dans le suivi des patients vivant avec le VIH, où intervient le généraliste ?
J.-P. A. La collaboration ville-hôpital autour du VIH ne fonctionne pas. Il est normal que les spécialistes du VIH, à l’hôpital, prescrivent les traitements antirétroviraux. Mais la consultation hospitalière n’est pas rentable pour la collectivité. En tant que spécialiste des soins primaires, le généraliste peut assurer une très grande multiplicité de tâches utiles au suivi du sujet porteur du VIH. Il peut vérifier l’observance et la réalisation des bilans de suivi, s’impliquer dans le dépistage des cancers et la gestion du risque cardiovasculaire. Il intervient aussi dans le suivi de l’ostéoporose, de la fonction rénale et hépatique. Enfin, le suivi de la vaccination relève de ses compétences : à l’exception du BCG, tous les vaccins sont autorisés chez le patient vivant avec le VIH, et certains lui sont particuliers (VHA, grippe, pneumocoque)
À l’occasion des 25 ans de l’ANRS, François Hollande a rappelé le relâchement des comportements de prévention chez les jeunes. Le généraliste a-t-il un rôle à jouer ?
J.-P. A. Je n’en suis pas convaincu. Pour être efficace, cette prévention doit toucher les jeunes hommes entre 16 et 25 ans, une cible qui lui échappe majoritairement.
Quelle est la place des TRODS en médecine générale ?
J.-P. A. Aujourd’hui ces tests rapides à orientation diagnostique (TROD) ne sont pas utilisables en médecine générale, mais demain, ils le seront certainement. Ils n’ont pas leur place aujourd’hui car ni leur mode de réalisation technique, ni leur conditionnement et leurs conditions de conservation ne sont adaptées à l’exercice de la médecine générale. Mais les technologies progressent : des TROD qui combineraient le diagnostic du VIH, du VHB , du VHC et de la syphilis seraient très utiles...
**Le Pr Aubert ne déclare aucun lien d’intérêt avec les industriles concernés.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation