Ces premiers jours de juillet, aux abords du numéro 290 de la rue Haute, à Bruxelles, quelques signes trahissent encore le récent déménagement. Le fléchage jusqu’au nouveau bâtiment a été scotché sur les panneaux signalétiques de l’hôpital, et l’entrée est encore en chantier… À l’intérieur, en revanche, tout est déjà bien en ordre : un mois après son inauguration, le nouveau Centre de prévention de la tuberculose (CPT) est à pied d’œuvre.
Car si les locaux ont fait peau neuve, la mission de ce service indépendant, hébergé par le CHU Saint-Pierre dans le quartier populaire des Marolles, demeure, elle, inchangée : endiguer la tuberculose qui continue de frapper, ici plus qu’ailleurs. Deux équipes, l’une flamande (Vlaamse vereniging voor respiratoire gezondheidszorg en tuberculosebestrijding [VRGT]) et l’autre francophone (Fonds des affections respiratoires [FARES]), s’emploient à traiter en ambulatoire cette maladie « oubliée », qui demeure, en 2019, la maladie infectieuse la plus mortelle dans le monde (1,7 million de morts en 2016, dont la majorité en Inde).
La précarité, grande alliée de la tuberculose
En région bruxelloise, l’incidence de la tuberculose était, en 2017 (derniers chiffres disponibles), de 27,8 cas pour 100 000 habitants. C’est le triple de la moyenne nationale (8,6/100 000, contre 7,7 en France, 6,6 en Allemagne et 4,6 aux Pays-Bas). C’est aussi 34 % de l’ensemble des malades déclarés en Belgique. La cause de cette surreprésentation des cas dans la capitale est bien identifiée. « La précarité, qui éloigne les personnes des soins, est aujourd’hui le facteur principal de circulation de la tuberculose », souligne le Dr Vinciane Sizaire, directrice adjointe du FARES, qui cogère le centre. « Or Bruxelles est une ville qui conserve d’importantes poches de pauvreté. Les personnes précarisées y sont structurellement plus nombreuses ». Parmi les populations les plus touchées : « Les personnes sans-abri (7 % des patients), les demandeurs d’asile (10,1 %) et les personnes étrangères en situation irrégulière (8,8 %) ».
Pour les professionnels de santé, la lutte contre la tuberculose représente plusieurs défis. L’un d’entre eux, après le diagnostic précoce, est le dépistage de l’infection tuberculeuse latente (ITL) : lorsque la mycobactérie est là, mais en dormance et sans symptôme. « Le dépistage systématique n’est pas envisageable, explique le Dr Sizaire, on ne peut pas matériellement screener l’ensemble de la population. Notre stratégie consiste donc à cibler l’entourage des malades et les populations à risque ».
L’enjeu du diagnostic précoce
Reste que, même lorsque l’ITL converge vers une maladie (10 % des ITL), la tuberculose n’est pas aisément dépistable. « La maladie passe facilement inaperçue, confirme Claire Ozaneaux, infirmière au CPT du FARES. Les symptômes principaux sont relativement communs, ils peuvent être confondus avec une bronchite ou une pneumonie. Beaucoup de patients se voient d’abord prescrire une antibiothérapie classique qui, n’agissant pas, débouche sur des examens plus poussés et, in fine, le bon diagnostic ». Problème : ces diagnostics tardifs retardent la mise sous traitement, essentielle à l’arrêt de la transmission…
Au CPT, où officient neuf infirmières, trois pneumologues et un pédiatre, le dépistage est donc la priorité pour des diagnostics plus précoces. « Pour chaque patient qui déclare une tuberculose contagieuse, qui touche les voies respiratoires supérieures et les poumons (plus des deux tiers des tuberculoses), nous menons un dépistage prophylactique du premier cercle, famille et travail, via le test Mantoux », explique l’infirmière Florence Michel. La tâche n’est pas sans complexité. « La tuberculose demeure stigmatisée, associée à tort à la saleté et au manque d’hygiène. Certains ne veulent pas que leur entourage le sache ».
Des incentives pour l’adhésion thérapeutique
La traque de la bactérie Mycobacterium tuberculosis nécessite un travail hors les murs. Les équipes se déplacent à domicile, mais aussi à la rencontre des plus vulnérables. Elles ont ainsi mis sur pied une maraude hebdomadaire au parc Maximilien, là où se réunissent, depuis plusieurs années, les migrants de passage à Bruxelles.
Autre défi, pour les soignants : l’adhérence à un traitement particulièrement contraignant (6 mois, dont deux de quadrithérapie, et 9 comprimés par jour en moyenne). « Notre objectif est de faire venir les patients une fois par semaine pendant toute la durée du traitement, souligne Florence Michel. Pour le suivi médical, bien sûr, mais aussi pour favoriser une prise en charge sociale en cas de besoin ». Afin d’y parvenir, le centre, en plus d’une politique d’accès universel (sans rendez-vous, gratuit et confidentiel), a mis en place un programme d’incentives : « Nous distribuons des tickets de bus et de train, et des chèques repas ». Un programme financé par une grande association belge permet par ailleurs un séjour en maison d’accueil pour les personnes sans abri, jusqu’à deux semaines après la fin de leur traitement.
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