Congrès ESC : la télésurveillance de l'insuffisance cardiaque ébranlée

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Publié le 01/09/2016
télésurveillance

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Crédit photo : PHANIE

« Les politiciens n'ont que la médecine personnalisée à la bouche, ils nous incitent à multiplier les outils de collecte de données, mais à un moment il faut bien que quelqu'un les intègre et ce sont nos infirmières déjà surchargées qui s'en occupent. Et tout ça pour quoi ? Pour rien ! » Il n'est pas usuel d'entendre une telle charge lors d'une session policée « Highlight » d'un congrès médical.

Le président de l'association de l'insuffisance cardiaque Frank Ruschitzka, de l'hôpital universitaire de Zürich ne mâche pourtant pas ses mots, suite aux deux études présentées au congrès de la société européenne de cardiologie qui n'ont pas été capables de démontrer un intérêt clinique des défibrillateurs implantables capable de télétransmettre les données des patients insuffisants cardiaques, comparés aux dispositifs classiques.

Dans 9 hôpitaux britanniques

Dans la première étude, REM-HF menée dans 9 hôpitaux britanniques par l'équipe du Pr Martin Cowie de l'Imperial College of London, a regroupé 1 650 patients atteints d'insuffisance cardiaque à qui 3 dispositifs ont été implantés selon la stratégie décidée par leur médecin : un pacemaker, un pacemaker ayant également une fonction de défibrillation, ou un défibrillateur implantable.

Tous les dispositifs implantés ont une fonction permettant de télétransmettre aux praticiens les données du patient une fois par semaine. Dans la moitié des cas, ce dispositif était sollicité et les médecins s'appuyaient sur ces données pour fournir des conseils, ajuster le traitement, ou de leur proposer un rendez-vous.

Dans l'autre moitié des cas, les données n'étaient transmises que tous les 3 à 6 mois, en même temps que leur visite de contrôle pour le traitement de leur insuffisance cardiaque. Au bout de presque 3 ans de suivi médian, il n'y avait pas de différence significative en termes de mortalité toutes causes, d'hospitalisation en urgence ou de mortalité cardiovasculaire.

« Malgré le grand nombre de patients, la durée de suivi considérable et l'adhérence très correcte des patients qui transmettaient régulièrement leurs données, nous ne parvenons pas à trouver d'amélioration chez les patients télésuivis à distance », résume le Pr Cowie.

Un effet bénéfique sur les coûts de santé

L'autre étude, italienne, a inclus 917 patients suivis pendant 2 ans. Aucune différence n'a été trouvée entre les patients dont le contrôle se faisait chaque semaine à distance et ceux qui venaient moins fréquemment au cabinet médical pour transmettre les données de leur dispositif.

Un peu moins de 30 % des patients des deux groupes sont décédés où ont du subir une hospitalisation d'urgence suite à un événement cardiovasculaire. Les auteurs notent toutefois que les coûts de santé des patients du groupe télésuivi étaient significativement inférieurs de 38 % à ceux du groupe contrôle.

Les résultats des études sur l'intérêt de la télésurveillance dans l'insuffisance cardiaque restent contrastés, « probablement parce que les résultats dépendant à la fois des caractéristiques des patients, des dispositifs employés et de la réponse aux informations transmise », suggère le Pr John Morgan, de l'université de Southampton et co-auteur de l'étude REM-HF. Les auteurs de l'étude IN-TIME avaient notamment montré que de tels dispositifs réduisent le risque de décès, d'hospitalisation et d'aggravation de l'insuffisance cardiaque.


Source : lequotidiendumedecin.fr