Révolution robotique, entrée dans l’ère numérique, santé connectée, émergence de la biologie cellulaire et moléculaire : dans tous les champs de l’innovation, la recherche française explore les possibles et se classe en numéro un européen de la production de biotechnologies, se félicite la ministre de la Santé Marisol Touraine.
C’est « un grand sujet de fierté » renchérit le commissaire général à l’investissement Louis Schweitzer, un « pari pleinement réussi », pour le président François Hollande. Le fait est : quand on feuillette le catalogue des jeunes pousses françaises et de leurs découvertes, on ne sent plus ses chevilles tricolores. Pixium vision redonne la vue avec un son implant rétinien Iris, prémisse de l’œil bionique, Stilla Technologies et sa puce microfluidique est capable de fragmenter une goutte de sang en dizaines de milliers de microgouttes pour mener des analyses génétiques ultra-précises ; Poietis imprime en 4D des tissus et des peaux humaines, Rythm avec son casque connecté améliore le sommeil profond et combat les maladies dégénératives ; Instent et son stent intelligent surveillent les risques d’accident vasculaire ; CardioLogs et son outil de diagnostic automatique permettent d’interpréter les ECG. Et bien sûr, pour cette énumération très loin d’être exhaustive, en haut de l’affiche, Carmat, leader mondial, développe le cœur artificiel.
Les Big pharma ne sont pas en reste : le géant pharmaceutique français Sanofi a annoncé il y a deux semaines la création d’Onduo, en association avec Google, qui va conjuguer l’expérience clinique et celle de l’électronique miniaturisée des deux partenaires pour développer des applications thérapeutiques et pratiques destinées aux patients atteints de diabète de type 2.
Le défi : se développer en restant en français.
Super-forme également pour l’innovation biotech hospitalo-universitaire : créés en 2011 et financés par le grand emprunt avec une dotation globale de 850 millions d’euros sur 10 ans, les six IHU (instituts hospitalo-universitaires) ont dépassé leurs objectifs de départ en termes de valorisation industrielle, en rassemblant des équipes de recherche fondamentale et des acteurs industriels sur des projets public-privé qui nécessitent des outils technologiques sophistiqués (imagerie, biotechnologie, banques de données, modélisation mathématique, plateformes de criblages, puces à ADN) et des compétences multidisciplinaires. Dans ces partenariats gagnants-gagnants de l’excellence hospitalo-universitaire et de l’entreprise, une dizaine de projets ont bénéficié en juin dernier d’un financement public de 78,4 millions d’euros (contre 32,5 millions en 2015) ; parmi les lauréats, le projet ILITE poursuit ses travaux sur le foie bioartificiel et le foie sur puce, tandis que le projet iVASC met en place des nouveaux outils de suivi des accidents vasculaires.
Mais tous ces fers de lance de l’innovation à la française se heurtent au même défi : se développer tout en restant français. Certes, les fonds levés en bourse par les biotechs françaises ont doublé entre 2014 et 2015. Des entreprises font palpiter la place de Paris, comme SuperSonic Imagine qui a mobilisé 50 millions d’euros en 2014 sur son échographe ultrasonore qui révolutionne l’imagerie médicale et vise le marché américain à l’horizon 2020. Cette année 6 milliards d’euros du budget de la Sécurité sociale sont dédiés à l’innovation, avec une réduction de la durée des procédures dans le cadre du nouveau « forfait innovation ». « C’est le nerf de la guerre », souligne la ministre de la Santé. Et un fond d’accélération doté de 340 millions d’euros a été créé par le commissariat général à l’investissement.
« Catastrophe nationale »
Dans le même temps, l’État entre dans le capital des entreprises, comme on l’a vu en février dernier avec les 17 millions engagés par la BPI France dans Carmat. Mais pour quelques réussites, la marche qu’il faut franchir pour gagner le sacro-saint marquage CE et attaquer les marchés internationaux, en Europe et au-delà, reste trop élevée pour la plupart des jeunes pousses tricolores. La start-up mania ne suffit pas. Le français Aldebaran, inventeur du robot de laboratoire qui permet de tester de nouveaux algorithmes d’intelligence artificielle, est ainsi passé en 2015 sous pavillon japonais, avec ses 560 ingénieurs et mécatroniciens, « une catastrophe nationale », comme le déplore le Dr Serge Tisseron, membre de l’Académie des technologies. Medtech oeuvre désormais dans le giron de l'Américain Zimmer Biomet.
Dans la chaîne mondialisée qui va de la paillasse au lit du malade, c’est le maillon français manquant : comparée notamment à l’Allemagne et aux pays nordiques, la France pâtit toujours d’une pénurie d’entreprises de taille moyenne innovantes. Et en dépit des engagements des gouvernements successifs, de gauche comme de droite, des fonds, des bourses et des accélérateurs en tous genres, la dépense intérieure française en recherche-développement, avec ses 210 000 chercheurs publics et privés et ses 800 000 ingénieurs et scientifiques, n’arrive pas à décoller du seuil des 2 % du PIB, très loin de la concurrence internationale.
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