EN FRANCE, les lois de bioéthique prévoient qu’« en vue d’une réalisation d’aide médicale à la procréation, toute personne peut bénéficier du recueil et de la conservation de ses gamètes ou de tissu germinal… lorsqu’une prise en charge médicale est susceptible d’altérer sa fertilité ou lorsque sa fertilité risque d’être prématurément altérée », comme par exemple après irradiation pour un cancer pelvien. L’autoconservation ovocytaire est donc possible et légale en France avant traitement potentiellement stérilisant et dans le cadre du don d’ovocytes permettant la création d’une banque d’ovocytes.
Vitrification.
Concernant l’Aide médicale à la procréation (AMP), la cryoconservation embryonnaire (FIV d’urgence) nécessite un partenaire et est efficace à condition qu’elle soit faite avant toute chimiothérapie. Une variante de la FIV d’urgence est la congélation classique (lente) de l’ovocyte mature qui a l’avantage de ne pas nécessiter de partenaire mais dont les succès sont faibles.
Depuis 2001, la vitrification (procédé de congélation rapide qui évite la formation de cristaux) a montré sa supériorité pour la congélation de l’ovocyte mature dans l’espèce humaine et est autorisée en France depuis 2011. L’avènement de l’Icsi (Intra cytoplasmic sperm injection) puis le développement de la vitrification ont remis cette procédure dans l’actualité, les taux de succès obtenus avec les ovocytes vitrifiés étant quasiment identiques à ceux obtenus avec les ovocytes frais (1). En outre, une étude sur près de 1 000 naissances après congélation ovocytaire n’a pas mis en évidence d’augmentation de l’incidence d’anomalies congénitales (2).
Reste que le désir de plus en plus tardif d’enfants est aujourd’hui un phénomène de société sous-tendu par les progrès de la contraception, les études prolongées, le désir des femmes de s’épanouir professionnellement… Une enquête réalisée en Grande Bretagne révèle que la grande majorité des étudiantes en médecine sont prêtes à faire conserver leurs ovocytes avant tout pour des raisons de carrière et de finances.
Manque de donneuses.
Quant aux femmes qui consultent pour infertilité, elles sont de plus en plus âgées. Certes, si l’ovocyte congelé permet d’obtenir des grossesses à un âge plus avancé, l’AMP avec utilisation de ses propres ovocytes (hors auto conservation) ne permet pas de lutter contre la chute de l’infertilité. Toutes les techniques comme la FIV et l’Icsi voient leur taux de succès diminuer dès 35 ans et devenir quasi nul après 43 ans. Seul le don d’ovocytes peut compenser le vieillissement ovarien mais on se heurte, en France, au manque de donneuses et à des délais d’attente de 18 mois à 2 ans.
Tous ces aspects plaident pour l’autorisation de l’autoconservation ovocytaire mais on se doit également de réfléchir sur les conséquences des grossesses tardives. Il faut savoir que le risque de mortalité maternelle augmente régulièrement avec l’âge et atteint sa plus grande fréquence après 45 ans, risque 15 fois supérieur que la mortalité maternelle à 20 ans.
Enfin, l’autoconservation n’est-elle pas un faux espoir à donner aux femmes. On estime que 20 à 25 ovocytes sont en moyenne nécessaires pour obtenir une naissance (3), ce qui veut dire 2 à 3 tentatives de FIV. Ne serait-il pas préférable d’aider les femmes à faire des enfants plus tôt ? Mais quel en serait le poids sur leur vie, leurs études, leur métier ? À suivre…
Communication du Dr Bela??sch-Allart, centre hospitalier des 4 villes, Sèvres.
(1) Rienzi et al. Human Reprod 2010.
(2) Noyes et al. Repro Biomed Online 2009.
(3) ESHRE task Force on Ehics and Law. Hum Reprod 2012.
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