Prévention des chutes du sujet âgé

Le rythme du piano pour retrouver celui de la marche

Publié le 24/11/2010
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L’EXPÉRIENCE a été menée en Suisse, avec succès. Elle consistait à redonner davantage d’équilibre à des personnes âgées dans l’objectif de prévenir les chutes. L’originalité de la méthode est de s’appuyer sur une forme de rééducation en musique fondée sur la méthode rythmique de Jaques Dalcroze (compositeur suisse, 1865-1960). Le résultat escompté a été obtenu avec, en six mois, l’obtention d’une démarche plus régulière et plus confiante chez les participants.

Le travail a été mené par Andrea Trombetti (Genève) et coll. auprès de 134 sujets âgés de plus de 65 ans et vivant en résidence. Tous avaient été identifiés comme à risque majoré de chute. Ils ont été séparés en deux groupes. Le premier de 66 personnes bénéficait du programme pendant six mois, tandis que les 68 autres servaient de témoins. À ce terme, ceux du second groupe étaient également soumis au programme musical.

Une heure par semaine.

L’intervention thérapeutique consistait en la réalisation d’exercices multi-tâches rythmés par la musique d’un piano. Le programme était réalisé à raison d’une heure par semaine. Sous la régulation d’un instructeur, il fallait marcher tout en réalisant autre chose, par exemple une manipulation d’objets (instrument à percussion, ballon…). Les exercices devaient suivre le rythme de la musique d’un piano. Ce qui impliquait une grande diversité de mouvements mettant en jeu les systèmes de contrôle de l’équilibre. Il s’agissait de changements de répartition du poids du corps, de rotations et de mouvements exagérés du tronc. Il faut se rappeler que le plus souvent les chutes des sujets âgés surviennent alors qu’ils effectuent simultanément autres chose (activité cognitive ou physique) tandis qu’ils marchent.

Les expérimentateurs ont fixé deux ordres d’objectifs à leur travail. Tout d’abord, il s’agissait d’évaluer les modifications de la variabilité du pas au cours des exercices. En effet, cette variation provoquée par autre activité au cours de la marche (une discussion, par exemple) est un facteur de chute connu. Le second objectif portait sur l’amélioration de l’équilibre, des performances fonctionnelles et du risque de chute.

Les résultats de l’étude portent sur les six mois au cours desquels le second groupe servait de témoin. Cependant, au cours du semestre suivant, une amélioration a été également relevée dans le groupe témoin lorsqu’il a bénéficié de la rééducation en musique.

Réduction du taux de chutes de 54 %.

À 6 mois donc, les chercheurs ont relevé une diminution de la variabilité de la longueur du pas avec une différence de -1,4 % par rapport aux témoins. De même, les tests d’équilibre et d’aptitudes fonctionnelles étaient améliorés. Il y a eu, enfin, une réduction du taux de chutes de 54 % et du risque de chutes (risque relatif : 0,61). Au cours du semestre suivant, les témoins ont présenté des améliorations similaires, tandis que les participants du premier groupe maintenaient leur bénéfice.

Quelques hypothèses sont fournies pour mieux expliquer ces améliorations. La normalisation des enjambées pourrait être le fait d’une meilleure automatisation des tâches et/ou d’un développement de la coordination. Il pourrait aussi s’agir, grâce à la rééducation rythmique, d’une amélioration de l’attention et des fonctions motrices. Enfin, un retour de la confiance en soi n’est pas à exclure.

Comme souvent, les auteurs reconnaissent quelques faiblesses à leur travail. Il n’a pas été possible de réaliser l’expérience en aveugle ; les volontaires avaient peut-être une forte motivation ; l’étude n’a été réalisée que dans un seul centre avec un instructeur unique.

Il n’en demeure pas moins que les médecins suisses considèrent qu’ : « il s’agit de la première preuve de réversibilité de l’augmentation de la variabilité de taille du pas liée de l’âge grâce à des exercices de double tâche, motrice et cognitive, chez des sujets âgés ».

Arch Intern Med, publication en ligne, doi:10.1001/archinternmed.2010.446.

 Dr GUY BENZADON

Source : Le Quotidien du Médecin: 8862