Les prés sont en fleurs, les vaches et les chèvres broutent tranquillement, la nature est calme. Et puis au début d'un tournant, clac, changement de décor, la réalité réapparaît brutalement. Depuis les trois terribles séismes qui ont détruit les régions situées aux portes de Rome en août puis en octobre dernier, rien n'a changé.
Les monceaux de gravats n'ont pas été déblayés et la population qui se sent abandonnée des « institutions laxistes » s'arrange pour survivre. À Preci, un village situé à quelques kilomètres de Norcia, la cité partiellement détruite le 30 octobre dernier, les commerçants se sont installés dans des conteneurs plantés à côté de leurs magasins effondrés. Ici, tout n'est que silence, mort et solitude.
« C'est hallucinant, la priorité de la reconstruction est donnée aux églises et aux monuments historiques, pas aux habitants qui n'ont plus de chez eux et encore moins à la Santé qui est dévastée », déplore le Dr Sabrina Palazzechi. Avant le tremblement de terre, cette obstétricienne âgée d'une quarantaine d'années à peine exerçait sa profession dans le centre médical de la sécurité sociale en plein centre de Norcia. « Le centre a été détruit par le séisme et il ne sera probablement jamais reconstruit. Dans l'immédiat, nous exerçons dans des conditions précaires », confie le Dr Palazzechi. Cantonnés au premier étage de l'hôpital de Norcia, le seul étage qualifié de « sûr » par les experts du département de la Protection civile, les médecins s'arrangent. « Je partage ce petit espace avec le radiologue et l'urologue. C'est une tragédie, sans espaces, nous ne pouvons plus suivre les femmes avant pendant et après leurs accouchements. Le lien que nous établissions auparavant et qui nous portait à suivre une femme pendant toute sa vie est rompu », constate cette obstétricienne. Comme la plupart de ses confrères, elle attend. « Nous avons besoin de donations, de liquidité pour pouvoir reconstruire des structures et suivre nos patients normalement », estime le Dr Palazzechi.
« Nous manquons de tout »
Assis dans le petit couloir qui sert de salle d'attente et de standard, le Dr Valentino Cariassi trompe l'attente en discutant avec une infirmière de garde. « Nous manquons de tout et notamment d'espaces. Nous sommes dans une situation d'urgence et nous ne pouvons rien faire », constate le Dr Cariassi. Ce cardiologue également spécialisé en anesthésie et réanimation, déplore lui aussi le manque d'attention des institutions. « Pour les pathologies importantes nous devons orienter nos patients sur les hôpitaux situés dans la région comme Spoleto, ce n'est pas viable sur le long terme », estime le Dr Cariassi. Depuis le séisme, les médecins ont enregistré une augmentation du taux de « symptômes psychosomatiques ». « Beaucoup de névroses, de fausses alertes cardiaques, mais tout est dans leur tête, c'est normal ils ont été choqués et doivent cohabiter avec les répliques et le risque d'un nouveau séisme. Pour remettre le système médical en marche et bien soigner, il faudrait de l'argent et des interventions au niveau des infrastructures mais visiblement, il y a un manque de volonté de la part des institutions… », ajoute le Dr Cariassi.
Le département de radiologie a été reconverti en buanderie. Dehors dans la cour, des conteneurs sont utilisés pour l'ambulatoire : quatre modules et une unité mobile de mammographie que les généralistes et les spécialistes dont les cabinets ont été détruits, se partagent. « Nous travaillons dans des conditions impossibles, une vingtaine de mètres carrés par médecin pour recevoir les patients ou nous devons entasser les médicaments et le matériel médical, ce n'est pas viable sur le long terme », estime le Dr Eleonora Ugolini. Cette pédiatre installée à Norcia depuis cinq ans attend les fameux modules de délocalisation plus grand et plus confortables promis il y a quatre mois par le gouvernement. « Quelqu'un devrait solliciter la reconstruction, sans médecine, la ville n'existe plus et la population n'a pas d'avenir », murmure le Dr Ugolini.
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes