Quelles leçons tirez-vous de l’épisode du syndrome respiratoire sévère lié au coronavirus (SRAS) auquel vous avez eu à faire face ?
Rien n’était prêt. À l’époque, au sein de l’administration centrale, personne ne considérait que la DGS avait pour rôle de gérer les alertes sanitaires. Nous nous sommes donc trouvés dans un état de totale impréparation lorsque nous avons vu arriver à Paris un médecin français contaminé qui arrivait de Hanoï et qui se rendait à Compiègne. Où il est décédé. Air France n’a même pas été en capacité de nous communiquer la liste des passagers de son vol. Et quand ce médecin a été hospitalisé pour une toux et une fièvre laissant présager un risque de SRAS, après quelques examens négatifs, il a de lui-même décidé de quitter le centre hospitalier contre avis médical, après avoir exposé neuf agents du service de radiologie. Alerté, le préfet ne disposait alors d’aucune base légale pour l’empêcher de rentrer chez lui.
A la DGS, personne ne considérait que l’administration centrale devait servir à déclencher l’urgence sanitaire. Ce qui relève aujourd’hui de l’évidence n’existait pas. Alors oui, quand on se remémore une telle situation, force est de reconnaître que, depuis lors, on a tiré quelques leçons. Les différents plans, plan canicule et plan grand froid notamment ont été construits. Nous pouvons dire que nous revenons de très loin.
Vous estimez donc que le système de santé a été apprenant des crises ?
En termes de police sanitaire et de modélisation épidémiologique, apparemment, oui, on s’est doté des outils. Mais on ne les a pas utilisés comme c’était nécessaire. Prenez l’affaire des masques. On a constitué des stocks en 2009-2010 dont la gestion a été confiée à l’EPRUS. Et puis on a jugé que le plan grippe aviaire avait surréagi aux événements et on a dessaisi l’EPRUS pour faire une économie de 280 millions d’euros en donnant au privé le soin de la gestion du stock. Quel terrible ratage ! Bercy et Matignon ont manifesté une totale insouciance face aux risques. L’économie que l’on a réalisée tient dans l’épaisseur d’un trait du budget de la santé, c’était un dix millième du budget de la santé publique. Après la crise, il faudra que les commissions d’enquête et d’investigation identifient les responsabilités. Ne pas avoir compris que l’investissement en santé publique est hautement rentable, c’était littéralement suicidaire !
La recherche a-t-elle pâti de ce ratage ?
La recherche sur les maladies infectieuses n’a jamais constitué une priorité, tout bonnement parce que les maladies infectieuses, ça ne rapporte pas : les traitements se prennent sur quinze à vingt jours, c’est bien plus lucratif de s’intéresser aux traitements des maladies chroniques. Du coup, nous sommes démunis, nous ne disposons même pas d’une cartographie des virus animaux dans lesquels les épidémies puisent leur force de contamination.
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