La peur de la stigmatisation, principal obstacle du « Universal Test and Treat » pour lutter contre l'épidémie de sida

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Publié le 22/07/2016

Pour atteindre les objectifs 90 90 90 préconisés par l'OMS (90 % des malades diagnostiqués, 90 % des patients diagnostiqués sous traitement, 90 % de charges virales indétectables chez les patients traités), la stratégie du « Test and Treat » génère beaucoup d'espoirs. Selon les résultats de l'essai randomisé français TasP présentés ce vendredi en clôture de la 21e Conférence internationale sur le sida (AIDS 2016), cette approche est rendue inefficace si le temps d'entrée dans le système de soin est trop long.

Les chercheurs ont en effet tenté de raccourcir le temps écoulé entre la contamination et le diagnostic tout en mettant les patients sous traitement immédiatement, quel que soit le taux de CD4, dans une région d'Afrique du Sud très touchée par l'épidémie. Ils ont constaté qu'ils ne parvenaient pas à augmenter la proportion de malades sous traitement, à cause de la stigmatisation qui retardait la décision de franchir la porte d'un service spécialisé dans le traitement du sida.

Une prévalence de près de 30 %

« Nous avons commencé l'essai TasP en 2012, explique Joseph Larmarange, chargé de recherche à l'Institut de recherche pour le développement et co-auteur de l'étude, nous avons fait du porte à porte dans le sous-district de Hlabisa, une zone rurale avec une prévalence d'infection par le VIH de près de 30 %. » Les auteurs ont isolé 22 zones géographiques, chacune peuplée d'environ 1 280 personnes. Ces régions ont été réparties en deux groupes égaux : un premier groupe de zones où les chercheurs ont démarché la population, en porte à porte, pour proposer un dépistage d'infection par le VIH, et un groupe contrôle. « Nous nous sommes rendus tous les 6 mois au domicile des habitants du groupe intervention », précise Joseph Larmarange.

Au total, 13 239 individus ont été inclus dans le bras intervention et 14 916 dans le bras contrôle. En cas de dépistage positif et de confirmation du diagnostic, les patients du bras intervention se voyaient proposer une mise sous traitement quel que soit leur niveau de CD4. Les patients du bras contrôle infectés par le VIH se voyaient eux proposer un traitement à partir du moment où leur taux de CD4 était inférieur à 500 par mm3.

Le dépistage a parfaitement rempli son office puisque le statut VIH a pu être identifié au moins une fois pour 88 % des personnes contactées. En revanche, seulement 37,5 % des personnes diagnostiquées séropositives pour le VIH se sont rendues dans un centre de soins dans les 6 mois qui ont suivi. C'est d'autant plus dommage que 91 % des patients du groupe traitement qui ont osé entrer dans un centre de soin étaient sous antirétroviraux, contre 52 % dans le groupe témoin.

La peur du dévoilement social

Joseph Larmarange voit dans l'échec de TasP une peur du dévoilement social, « les patients ont peur d'être vus dans la file d'attente des centres de traitement, explique-t-il, il y a aussi le fait que 20 à 30 % des partenaires sexuels des habitants ne vivent pas dans la zone de l'essai, qui connaît de très fortes migrations économiques : 80 % de la population est sans emploi. La mobilité des populations est une autre entrave à la mise en place d'une véritable politique de Test and Treat ».

Au final, environ 4 personnes infectées sur 10 avaient une charge virale indétectable dans le groupe intervention, ce qui n'est pas significativement différent de ce qui est observé dans le groupe témoin. Les incidences annuelles étaient aussi très proches : 2,13 % dans le groupe intervention contre 2,27 %.

En dehors de l'essai TasP, 4 autres essais ont lieu dans le monde, chargé d'évaluer l’intérêt de l'approche « Universal Test and Treat », et l'essai français est le premier à donner des résultats.

La PrEP pour les HSH pertinente aussi en Afrique de l'Ouest

Autre résultat français présenté lors de la conférence de Durban : les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes vivant en Afrique de l'Ouest pourraient bénéficier d'une prévention combinée contre les infections par le VIH, où la PrEP a sa place.

Les chercheurs de l'université de Montpellier et d'Aix-Marseille ont recruté 386 HSH au Mali, au Sénégal, en Côte d'Ivoire, au Burkina Faso et au Cameroun et leur ont proposé un suivi de 6 mois incluant un rendez-vous trimestriel pendant lequel était effectué un dépistage des principales IST dont le VIH. Huit participants ont été infectés au cours du suivi, soit une incidence de 4,8 % par an.

Selon Christian Laurant, de l'Institut de recherche pour le développement de Montpellier qui a dirigé l'étude, « les HSH d'Afrique de l'Ouest sont très vulnérables, avec des prévalences de 15 à 20 % contre 1 à 3 % dans la population générale, or il y a très peu de programmes de prévention et de prise en charge dédiées à cette population pour des raisons de stigmatisation et de répression. Nos résultats vont donner des arguments pour convaincre les politiques de changer cela », espère-t-il.


Source : lequotidiendumedecin.fr