« La France est en train de perdre son leadership dans le domaine des maladies rares ! »
Le cri d'alarme poussé par la présidente de l'AFM Téléthon, Laurence Tiennot-Herment, résume bien les craintes exprimées par les participants aux 5es rencontres organisées les 20 et 21 novembre par la Fondation maladies rares.
Alors que la France a fait école en Europe avec les filières maladies rares structurées lors des deux premiers plans nationaux, des retards semblent s'accumuler dans la réduction de l'errance thérapeutique, et la mise à disposition des malades de traitements innovants.
Plus de centres, autant d'argent
Plusieurs discussions ont notamment porté sur l'épineux problème du financement des filières maladies rares. Avec la fin de la campagne de labellisation conclue par le ministère de la Santé, les 387 centres de référence travaillent sur les mêmes fonds (environ 90 millions d'euros) que les 354 avant la labellisation, « alors que les charges augmentent, eu égard à l'informatisation et la coordination des filières », s'alarme le Dr Ségolène Aymé, généticienne de l'institut du cerveau et de la moelle épinière.
Le manque de fluidité des transferts de budget vers les ARS puis vers les directions des CHU où sont installés les centres de référence constitue également un des nœuds du problème. « Les centres de référence ne font pas de soins, mais de l'appui, de la coordination et de la recherche au sein de structures dont le financement dépend du soin », résume le Pr Guillaume Jondeau (hôpital Bichat-Claude Bernard, AP-HP) qui anime la filière FAVA-Multi sur les maladies vasculaires rares avec atteinte multisystémique, « il y a donc un décalage qui nous met dans des situations compliquées vis-à-vis des directions financières des hôpitaux qui financent les salaires », reconnait-il.
Une solution avancée serait la mise en place de structures juridiques spécifiques pour que les filières disposent d'une autonomie financière, à l'image de ce qui a été fait dans les instituts hospitalo-universitaires : « le statut privé à but non lucratif a fait ses preuves et donne une agilité importante », note le Dr Aymé.
Toujours pas de banque nationale de données
Le manque de moyens n'est pas sans conséquence. Ainsi la banque nationale de données maladies rares, prévue dans le second plan n'est toujours pas une réalité opérationnelle. « Les cliniciens n'ont pas les moyens de passer du temps à rentrer des données et les systèmes d'information des hôpitaux sont encore trop cloisonnés, » note le Dr Aymé. Un accord est en cours de signature entre l'AP-HP, qui héberge la banque de données, et les CHU et hôpitaux en régions pour permettre la remontée automatique des données. Les membres de la Fondation maladies rares déplorent cependant l'absence de fonds dédiés au développement des banques de données.
« La France est un des pays riches qui dépistent le moins », explique le Dr Aymé. Il a été longtemps demandé la mise en place d'un dépistage du déficit en acyl-CoA déshydrogénase des acides gras à chaîne moyenne (MCADD). Malgré une évaluation par la HAS, en juin 2011, concluant à un bénéfice important, ce dépistage n'est toujours pas mis en place. « Cela nécessite une restructuration du dépistage qui était assuré par l'association française pour le dépistage et la prévention des handicaps de l'enfant (AFPDHE) et un équipement des laboratoires de spectroscope de masse en tandem, résume le Dr Aymé. On l'espère pour 2018, mais je crois que le gouvernement ne sait pas comment coordonner ce dépistage en remplacement de l'AFPDHE ».
Le plan France Génomique 2025, lancé il y a un an, doit encadrer le rattrapage de la France dans le domaine du diagnostic génomique, par la mise en place de 12 plateformes dotées de capacités en séquençage très haut débit. Pour le Pr Jean-Louis Mandel, ce rattrapage est particulièrement lent : « seules 2 plates-formes ont été identifiées, et les porteurs des projets ne savent toujours pas de quels fonds ils vont disposer, tempête-t-il. Elles doivent s'accompagner de la création d'un centre de référence, d’innovation, d’expertise et de transfert (CRefIX) pour lequel l'appel d’offres terminé en juillet dernier n'est toujours pas tranché. Quant au centre d'analyse des données, il n'existe toujours pas. Nous avons 60 mois de retard sur le plan anglais qui a déjà séquencé 40 000 génomes ! »
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