LORSQUE parut « Cent ans de solitude », en 1967, qui lui apporta la consécration mondiale, Gabriel Garcia Marquez avait 40 ans et un passé de romancier et de nouvelliste remarqué. Bien que peu porté à l’art oratoire, son succès l’a amené à s’exprimer souvent en public. Les discours réunis dans « Je ne suis pas ici pour faire un discours » (1) parcourent pratiquement toute sa vie, depuis celui qu’il a prononcé à 17 ans devant ses camarades de lycée – le titre de l’ouvrage en est extraite – jusqu’à celui lu devant les Académies de la langue espagnole et les rois d’Espagne en 2007, en passant évidemment par le discours de réception du prix Nobel de littérature, en 1982. Un choix judicieux qui met en lumière les préoccupations fondamentales de l’écrivain et citoyen colombien.
Nadine Gordimer est née en Afrique du Sud en 1923. Son œuvre – 13 romans, 200 nouvelles et plusieurs recueils d’essais – est évidemment marquée par l’Apartheid, et le prix Nobel reçu en 1991, l’année qui a suivi la libération de Nelson Mandela, a honoré autant l’activiste que l’écrivain, même si son inspiration et sa vision vont bien au-delà de ce déchirement. Les « Récits de vies (1954-2008) » (2) proposés ici s’ouvrent justement avec un essai écrit en 1954, lorsque le pays était à feu et à sang et permettent de suivre les engagements de l’écrivaine jusqu’à ces dernières années – contre le sida, la mondialisation ou les violences ethniques, sans oublier son rôle dans la reconnaissance des plus grands auteurs africains et européens.
Les romans de la terre.
C’est en 1998 que l’écrivain portugais José Saramago (1922-2010), auteur de romans, d’essais, de poésie et de théâtre, a été consacré par le prix Nobel. La France découvre aujourd’hui l’un de ses premiers romans, publié en 1980, « Relevé de terre » (3), qui relate, à travers trois générations, du début du XXe siècle jusqu’à la Révolution des œillets en 1974, l’histoire d’une famille de travailleurs agricoles de l’Alentejo, une des régions les plus arides du pays. C’était le temps des latifundia, de l’exploitation du peuple par les propriétaires, l’Église et l’État, des conditions de vie aussi dures que misérables, qui semblaient ne devoir jamais changer. Un roman réaliste mais de construction « révolutionnaire ».
On se plaît à signaler, dans cette continuité, le roman du Français François Barberousse, écrit en 1938 (après « L’Homme sec » et « le Jour aux volets clos ») et inédit jusqu’à ce jour. « Gusse » (4) devait en effet figurer dans la liste de Gallimard en vue des grands prix littéraires, mais le projet a fait long feu en cette année 1939. Après la guerre, François Barberousse a renoncé à l’écriture. Il est mort en 1979. S’il se déroule entre 1914 et 1918, « Gusse » – du nom du héros – n’a pas pour sujet la guerre mais la campagne solognote, d’où le soldat est originaire et qu’il voit se dégrader, de permission en permission, dans ses usages et ses valeurs. Un roman du terroir qui touche à l’âme même des campagnes.
D’inspiration autobiographique.
Autre prix Nobel dans l’actualité littéraire, Hermann Hesse, qui avait 12 ans lorsqu’il décida de devenir poète et qui a réalisé son aspiration en dépit de l’opposition de sa famille, jusqu’à être couronné en 1946. On découvre son itinéraire dans la biographie que lui consacre François Mathieu sous le titre « Hermann Hesse poète ou rien » (5), depuis son enfance en pays souabe, ses engagements dans l’histoire allemande et européenne, sa pensée marquée par les enseignements de Nietzsche et des philosophies extrême-orientales. Une biographie exhaustive, qui s’appuie sur vingt volumes des « Œuvres complètes », quatre de la « Correspondance », dont une large partie inédite en français, et de nombreux ouvrages de souvenirs familiaux et de témoignages amicaux.
« Les Étrangers » (6) est le deuxième roman de Sandor Marai, publié en Hongrie en 1931, lorsqu’il avait 31 ans. On sait que, auteur adulé dans son pays dans les années 1930, puis tombé dans l’oubli après 1948 (date de son exil en Europe puis en Californie, où il s’est suicidé en 1989), l’écrivain a été « redécouvert » dans les années 1990. Ce roman est le 16e traduit en français depuis cette date. Il est d’inspiration directement autobiographique, avec comme héros un jeune Hongrois, docteur en philosophie, qui arrive à Paris en 1926. Il y restera deux années et demeurera toujours un étranger, étranger aux autres, étranger à lui-même, qui évolue parmi d’autres étrangers. Une vision du Paris de la fin des années folles étonnante, en même temps qu’une réflexion sur l’exil.
Paris, entre 1921 et 1926, est aussi au cœur du fameux « Paris est une fête » (7) d’Ernest Hemingway, publié de manière posthume en 1964 (il est mort en 1961) et dont Folio* propose une nouvelle édition revue et augmentée. Celle-ci restitue pour la première fois le texte original de l’écrivain américain avec, à la suite des « Vignettes parisiennes » retenues par l’auteur, d’autres chapitres composés pour le livre mais considérés comme inachevés. Pour Hemingway, Paris était le meilleur endroit au monde où travailler, et resta jusqu’au bout sa ville préférée.
* Folio fête ses 40 ans en publiant chaque mois un titre anniversaire. Après F. Scott Fitzgerald, A. Gide, Voltaire, R. Queneau, A. Malraux, W. Golding, la collection propose un tirage limité des « Mots croisés » de Georges Perec.
(1) Grasset, 189 p., 16 euros.
(2) Grasset, 411 p., 21,50 euros.
(3) Seuil,361 p., 23 euros.
(4) Marivole Éditions, 218 p., 20 euros.
(5) Calmann-Levy, 541 p., 25,50 euros.
(6) Albin Michel, 446 p., 22 euros.
(7) Gallimard, 347 p., 7,50 euros.
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