Alors que l'antibiorésistance remet en scène la phagothérapie, cette approche découverte il y a plus de 100 ans, son mode d'action n'est pas complètement élucidé. Des scientifiques de l'Institut Pasteur et du CNRS expliquent pourquoi l'efficacité des bactériophages, ces virus capables d'infecter et d'éliminer les bactéries, peut différer entre les observations in vitro et les résultats constatés in vivo.
Les scientifiques ont ainsi montré chez la souris que les bactéries sont capables de réguler l'expression de leurs gènes pour échapper aux nombreux bactériophages présents dans l'environnement intestinal. Ces travaux sont publiés dans « Cell Host & Microbe ».
Les bactéries et les bactériophages sont les entités les plus abondantes du microbiote intestinal. Bien que les bactériophages tuent les bactéries, ces deux populations coexistent en équilibre dans l'intestin.
Coexistence à l'état naturel entre phages et bactéries
In vitro, les interactions entre les bactéries et les bactériophages ont été bien décrites. Le bactériophage infecte rapidement les bactéries, se réplique et les détruit en libérant de nouveaux virus prêts à infecter de nouveau. Mais la dynamique entre ces deux micro-organismes est très différente dans l'intestin des mammifères. Ainsi, dans certains cas, un bactériophage efficace en milieu de culture est totalement inefficace dans l'environnement intestinal.
Pour comprendre ce phénomène, les scientifiques coordonnés par Laurent Debarbieux, responsable de l'unité Bactériophage, bactérie, hôte à l'Institut Pasteur (unité mixte CNRS) ont comparé l'expression des gènes (le transcriptome) de la bactérie Escherichia Coli dans les deux conditions : milieu de culture ou intestin.
Protection acquise
En étudiant de plus près les gènes impliqués dans cette adaptation, les chercheurs ont mis en évidence que quatre d'entre eux modifient les interactions entre la bactérie et trois phages virulents soit en augmentant soit en diminuant la sensibilité mais aussi en interférant avec la formation de biofilm. « Nous avons constaté que certains gènes nécessaires pour l'infection par le bactériophage sont moins exprimés dans l'intestin que in vitro, ce qui protège la bactérie face au bactériophage », commente Laurent Debarbieux, l'auteur principal de l'étude.
L'équipe a vérifié leur hypothèse en constatant que la sensibilité bactérienne était fortement réduite, après avoir supprimé l'expression d'un gène particulier. Ainsi, au sein de l'intestin, les bactéries peuvent résister à la prédation exercée par les bactériophages sans opérer de mutation dans leur génome, mais en modulant l'expression de certains gènes. Ces résultats « mettent en lumière la complexité des interactions tripartites entre phages, bactéries et animal hôte dans l'homéostasie intestinale », écrivent les auteurs, ce qui ouvre la voie à une meilleure utilisation à des fins thérapeutiques.
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