Un confrère et ami d’une commune voisine me téléphone un matin :
– « Une de mes patientes se trouve dans un hôtel du centre-ville, près de chez toi. Son mari m’a signalé qu’elle est souffrante ; il souhaiterait que je lui rende visite. Pour moi, cela fait vingt kilomètres et je suis débordé. Peux-tu y aller à ma place ? »
L’hôtel, tranquille et confortable, est surtout fréquenté par des gens de passage. Étrange impression que d’entrer en plein jour dans une chambre aux rideaux fermés... comme si on violait un espace intime où moquette et murs roses ne devraient tolérer que peignoir et pieds nus. Dans le cône de la lampe de chevet, la tête ébouriffée d’une petite jeune femme blonde au visage étonnamment souriant. Je m’assieds près d’elle sur le lit, comme le font les médecins. Elle sent bon, elle sent la femme qui se réveille toute imprégnée de son parfum mêlé aux odeurs chaudes de son corps. Elle me raconte son histoire.
La veille, une amie l’a déposée en ville pour des achats, mais au moment de repartir elles ne se sont pas retrouvées. Contrainte à rester sur place, elle prend une chambre dans un hôtel qui se trouve – pur hasard – à portée de jet de pierre d’une boîte de nuit où elle rencontre un inconnu qui, après la fermeture, la raccompagne jusqu’à sa chambre. Je n’en saurai pas plus.
Au lever du jour, elle appelle son mari et lui explique dans un sanglot :
– « Depuis hier soir, je suis très malade, bloquée dans un hôtel. S’il te plaît, demande à notre médecin de venir me voir. »
Consulter dans une alcôve un privilège ? Voire, car ce peut être aussi le pire des pièges. Ainsi, ce jour-là, où on ne m’avait fait venir dans le rose bonbon de ce lieu promis aux délices de l’amour, que pour m’extorquer un certificat médical. Oh, juste un petit papier assurant que l’on est immobilisé par « un état pathologique sévère ». Aussi simple que cela... il suffit de demander. Ben voyons ! Si la vocation du médecin est de venir en aide à tout être humain dans la souffrance, elle ne saurait en aucun cas lui faire cautionner un adultère ! Je refusai donc avec fermeté, sachant trop bien qu’un certificat délivré dans de telles circonstances peut être utilisé par la Justice.
Je remplissais une inutile feuille de soins quand, sans crier gare, ma jeune patiente expédia d’un coup de pied drap et couverture au bout du lit. Elle portait un t-shirt trop grand qui ne cachait rien et une minuscule culotte qui ne cachait pas grand-chose non plus. Devant ne laisser paraître aucune émotion, je continuai à écrire quand, brutalement, je fus saisi par le cou, mis en déséquilibre et, sans avoir pu esquisser le moindre geste de défense, basculé le nez entre les seins de la perfide.
Plombiers, mes frères qui, comme nous, pénétrez jusqu’au plus secret des demeures, avez-vous un code de déontologie ? Si ce n’est le cas, réjouissez-vous, car le médecin, lui, a son Serment d’Hippocrate qui ne lui laisse d’autre choix que de toujours rester... de marbre ! Héroïque, je me dégageai de ces tièdes et odorantes rondeurs, diaboliques tentations auxquelles saint Augustin lui-même n’eût peut-être pas résisté : « Vade retro, Satanas ! » D’honoraires, bien sûr, il ne fut question, la jeune écervelée n’ayant à l’évidence que sa jolie personne à proposer.
Je refermai ma trousse et m’en allai, la tête haute.
Témoignage
Plombiers, mes frères...
Publié le 02/08/2017
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Crédit photo : PHANIE
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Source : lequotidiendumedecin.fr
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