LE QUOTIDIEN : Quelles sont vos ambitions pour la plus grande morgue de France ?
Pr LUDES : Trois missions m’ont été confiées. D’abord, développer la formation initiale et continue, la recherche, et assurer le rayonnement international de cet IML par des publications et l’organisation de congrès. Vu les pathologies rencontrées et le volume d’activité (2 000 autopsies par an, auxquelles s’ajoutent 1 000 examens externes soit 10 fois plus qu’à l’IML de Strasbourg), c’est un terrain d’apprentissage de tout premier ordre.
J’entends ensuite moderniser cette maison, qui a son charme, mais qui est inadaptée par rapport aux procédures modernes. Je souhaiterais d’ici 2 ans introduire l’imagerie post-mortem en installant un scanner. Actuellement, nous n’avons qu’un appareil de radiographie et nous faisons réaliser les scanners dans d’autres hôpitaux.
Je voudrais développer la morphologie, les études anatomopathologiques et immunologiques, et déployer la biologie et la biochimie post-mortem. Cela se fera sur 5 ans, mais c’est crucial d’internaliser les examens complémentaires. Ils sont aussi indispensables dans la médecine légale que dans toute autre spécialité pour poser un diagnostic, chercher des signes de crimes ou de délits, même s’ils sont plus durs à mettre en œuvre car le corps est dégradé.
Actuellement, les architectes de la préfecture de police (PP) font des études en vue des travaux de mise aux normes (obtenir une puissance électrique suffisamment forte, éviter les chutes de tension…). C’est la PP qui chiffrera l’investissement.
Comment collaborez-vous avec les hôpitaux parisiens ?
Il n’existe pas de conventions strictes avec l’Assistance-Publique hôpitaux de Paris et la préfecture, mais c’est en discussion. Cela permettra aux médecins hospitaliers d’exercer ici dans le cadre de leur emploi et de partager les équipements. Aujourd’hui, c’est protocolisé par la justice : le magistrat demande au radiologue de faire le scanner, il désigne le laboratoire pour effectuer l’analyse, et le parquet les paie à l’acte. Si nous avons besoin d’examens complémentaires, nous devons adresser une demande argumentée au magistrat. Nous ne traitons pas directement avec les hôpitaux.
En matière de financement, l’IML de Paris est passé à travers les mailles de la réforme organisée par les circulaires de 2010 et 2012, qui a instauré le paiement au forfait. Il est resté au paiement à l’acte.
C’est en effet une exception. Si les médecins sont rémunérés par le parquet, sur les frais de justice, l’IML n’a pas de crédits à espérer du ministère de la Santé, contrairement aux autres structures médico-légales. J’essaie d’obtenir une convention entre le préfet de police de Paris et les Cours d’appel de Paris et de Versailles pour avoir des solutions de financements pour la structure. Au regard de notre activité, la salle, les fluides, la réalisation et la conservation des prélèvements et des corps sont insuffisamment valorisés.
En tant que président de la Société Française de médecine légale, vous avez cosigné en décembre 2013 avec le Pr Olivier Jardé, rapporteur de la réforme de 2011, et le Pr Dougé du Conseil national des universités une lettre adressée à la garde des Sceaux. Pourquoi ?
Nous incitons le ministère de la justice à ne pas diminuer l’enveloppe qu’elle verse au ministère de la Santé, qui la redistribue dans les Unités médicojudiciaires (UMJ) et les IML de toute la France (sauf Paris, donc). Des recrutements ont été faits sur ces sommes, car il y a une forte demande, à la fois pour les gardes à vue, les examens cliniques, la levée de corps sur place, les examens des victimes, et les autopsies. Réduire les financements provoquerait des difficultés.
Quel regard portez-vous sur cette réforme aujourd’hui ?
Il y aurait à dire sur la catégorisation des IML : certains sont sous-dotés, et les relations avec les UMJ et les 30 centres pivots sont très variables selon les régions. Les gardes à vue posent encore problème.
La réforme a néanmoins donné une meilleure lisibilité au plan thanatologique et a donné un droit de cité à la médecine clinique dans les UMJ, en matière de victimologie. Les médecins se sont aussi davantage intéressés à cette discipline dont les débouchés sont plus visibles.
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