Entrés de plain-pied dans le monde médical, les objets connectés pourraient révolutionner la prise en charge de nombreuses pathologies. En responsabilisant les patients et en les encourageant à l’automesure, ces appareils innovants – tensiomètre bluetooth, balance wifi, fourchette post-chirurgie bariatrique – ou les dizaines de milliers d’applications pour smartphone, devraient permettre de renforcer la prévention. Le secteur est porteur. Les médecins devront s’accommoder à ces nouveaux outils qu’ils pourraient bien, un jour, prescrire.
Par essence liée au progrès, la santé entame aujourd’hui une nouvelle mue au rythme du développement de la technologie mobile et connectée.
Dans un contexte sanitaire marqué par le vieillissement de la population, la désertification médicale et l’essor des maladies chroniques, la connectivité appliquée aux objets de santé connaît un engouement sans précédent de la part des industriels, conscients du gigantesque marché qui s’ouvre à eux. Las Vegas, Londres, Barcelone, Nice… Les congrès mondiaux consacrés (tout ou partie) à la santé mobile fleurissent aux quatre coins du globe. Les grandes enseignes se bousculent au portillon numérique. Quand Google annonce travailler à la création de lentilles de contact susceptibles d’aider les personnes diabétiques à gérer leur taux de sucre, Apple enchérit avec son carnet de santé digital. En France, le ministre du redressement productif Arnaud Montebourg s’intéresse de très près à cette révolution industrielle.
Une fourchette post-chirurgie bariatrique
Connectés en permanence à Internet et pourvus d’applications (programmes pour smartphone et tablette) spécifiques, ces outils d’un genre nouveau relèvent pour beaucoup du bien-être, du suivi (postopératoire ou d’une maladie chronique) et de la prévention.
De l’évaluation de ses performances en course à pied à celle de sa glycémie, le patient capture, analyse et partage des données personnelles grâce, par exemple, à sa montre ou son bracelet connectés. À la maison, la brosse à dents le prévient sur son smartphone de l’usage qu’en font ses enfants. La fourchette temporise l’appétit des personnes opérées d’une chirurgie bariatrique. Le pèse-personne fait de même. Complice, le smartphone présente les données sous forme de courbes, invitant à la modération.
D’autres objets entrent dans la catégorie de la mesure médicale. Le dernier né est un tensiomètre sans fil. Après avoir passé le brassard (qui se connecte avec le smartphone et lance l’application), un clic sur le bouton « démarrer » suffit à mesurer et enregistrer la pression et le rythme cardiaque. Plus de pompe, plus de médecin.
Gadget ou dispositif médical ?
À terme, les objets de santé connectés vont-ils chambouler la pratique médicale ? Pas sans l’aval des professionnels de santé ! S’ils sont favorables à la prévention, beaucoup considèrent les objets connectés comme de simples gadgets. Il y a de quoi. En 2014, il est possible de trouver un oxymètre connecté au rayon « matériel paramédical » dans un magasin de sport, un podomètre dans une pharmacie en ligne, et un tensiomètre en officine. Et ce dernier n’est pas un objet mais un dispositif médical connecté. Le flou lexical règne.
Reste à établir la différence entre données personnelles, médicales et de santé. Certains industriels estiment que la donnée personnelle devient donnée de santé quand le médecin l’accepte dans le dossier médical. Un peu simpliste.
Se pose aussi le problème de la confidentialité. Où stocker l’information ? Comment l’utiliser ? Faut-il réglementer les objets connectés ? Soucieuse de répondre à ces questions, la commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) planche sur cette tendance à « l’automesure de soi » (quantified self).
L’enjeu du financement
Enfin, la question du financement est cruciale. Peut-on imaginer un jour rembourser la bonne santé plutôt que la mauvaise ? Les objets connectés flirtent à la lisière de deux mondes : la santé, prise en charge par les pouvoirs publics, et le bien-être, à la charge du patient-consommateur.
Les industriels le répètent : les objets connectés contribuent à réduire le taux de réhospitalisation des patients souffrant de pathologies chroniques et participent de fait au système de soins. Mais la récente expérience – avortée – du remboursement du traitement de l’apnée du sommeil (par un masque à PPC connecté) selon sa bonne observance a échaudé les médecins… Pas simple pour l’assurance-maladie de se positionner, qui peine par ailleurs à évaluer la rentabilité d’un système préventif.
Le jeu en vaut bien plus la chandelle pour les complémentaires santé. Si un jour, les entreprises françaises font appel aux smartphones pour améliorer le bien-être de leurs salariés et, par là-même, leur productivité, les complémentaires, par le biais des contrats collectifs, auront tout à gagner à s’investir dans le champ encore broussailleux de la santé connectée.
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