21e conférence mondiale sur le sida de Durban

L'allégement thérapeutique chez les patients VIH, une idée qui fait son chemin

Par
Publié le 21/07/2016
Article réservé aux abonnés
durban

durban
Crédit photo : AFP

« C'est un dossier sur lequel la France est un petit peu toute seule. »

Le Pr Jean François Delfraissy, directeur de l'Agence national de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS), pose d'emblée le contexte concernant l'étude ANRS 162-4D démontrant la faisabilité d'un régime de traitement contre le VIH pendant 4 jours par semaine seulement. Le concept d'allégement thérapeutique des patients est en effet très franco français, peu partagé par les pays anglo-saxons, et notamment très liés aux travaux du Dr Jacques Leibowitch de l'hôpital Raymond-Poincaré (AP-HP). Les nouveaux résultats en faveur du régime 4 jours/7 ont été présentés mardi 19 juillet par le Dr Pierre de Truchis, du service des Maladies infectieuses, parasitaires et tropicales de l'hôpital Raymond-Poincaré lors de la conférence de la 21e conférence mondiale sur le Sida qui se tient à Durban, en Afrique du Sud, jusqu'au 22 juillet.

Une donnée frappe d'emblée : au bout de presque un an de suivi, 96 des 100 patients de l'étude conservaient une charge virale indétectable en ne prenant leur traitement que 4 jours par semaine, s'accordant ainsi un « week-end of » sans traitement. Tous les patients avaient, à l'inclusion, une charge virale inférieure à 50 copies par mL. Dans 89 %, des cas les patients recevaient du Truvada (ténofovir disoproxil fumarate et emtricitabine) ou de l'abacavir en association avec un inhibiteur de protéase ou un inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse. Des études menées sur des patients traités par des trithérapies contenant de l'éfavirenz avaient déjà montré qu'il n'y a pas de différence entre un traitement 5 jours sur 7 et un traitement 7 jours sur 7.

La stratégie a échoué chez 4 patients : « L'un d'entre eux s'est retiré car il avait peur, explique le Dr de Truchis, tandis que les 3 autres ont effectivement retrouvé une charge virale détectable, entre 124 et 969 copies par ml, mais avec des taux sanguins de médicaments très faibles qui laissent suggérer qu'ils n'étaient pas très observants. » Pour le Pr Delfraissy, ces résultats « ne signifient pas que l'on peut déjà dire aux patients de ne prendre leur traitement que 4 jours par semaine mais que, pour une catégorie de patients, autoriser l'interruption les week-ends permet de s'approprier plus facilement leur traitement. Il nous faut maintenant un essai randomisé pour valider cela. »

Cet essai randomisé va être lancé par l'ANRS d'ici la fin de l'année : l'essai ANRS QUATUOR. Il comprendra 640 patients dont la moitié suivra le régime recommandé et l'autre moitié passera au traitement 4 jours sur 7. « Nous essayerons de réduire progressivement la fréquence des visites pour coller à la réalité, révèle le Dr de Truchis, d'abord une visite tous les 2 mois, puis tous les 3 mois. Nous allons aussi entrer des patients sous anti-intégrases pour lesquels on n'a pas encore de données ».

L'approche 4 jours de traitement par semaine est une des pistes explorées par l'ANRS pour réduire les doses de médicaments des patients infectés par le VIH, afin de réduire les coûts et les risques d'effets secondaires. L'essai ANRS 165 DARULIGHT en proposant des demi-doses de Darunavir, tandis que les essais ANRS 167 et 163 expérimentent de nouvelles bithérapies : lamivudine-dolutégravir et étravirine-raltegravir.

De nouveaux résultats pour la PrEP

Le congrès de Durban a également été l'occasion de présenter les résultats de la dernière phase de l'étude IPERGAY démontrant l'intérêt de la prophylaxie pré-exposition à la demande pour réduire le risque d'infection par le VIH dans les populations les plus exposées comme les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes (HSH).

Depuis novembre 2014, et la fin de la randomisation, l'étude IPERGAY est entrée dans sa dernière phase. Une seule personne a été infectée au cours de cette période, soit une incidence de 0,91 %. Le patient infecté est de plus un cas particulier : « Il s'agit d'une personne qui avait arrêté la PrEP car elle se croyait dans une relation stable avec une personne non contaminée, détaille le Pr Jean François Molina, coordinateur d'IPERGAY et chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Saint-Louis, elle s'est trompée puisqu'elle a été contaminée par son compagnon. » Un vaste programme de recherche ANRS PREVENIR évaluera la PrEP à grande échelle en Ile-de-France à partir de la fin 2016.

Autres résultats en faveur de la PrEP également présentés à Durban : ceux de l'étude HPTN 052, publiés en simultanés dans le « New England Journal of Medecine ». Cette étude pivot a été menée sur plus de 3 500 participants, soit 1 763 couples séro discordants, répartis dans 9 pays (Botswana, Brésil, Inde, Kenya, Malawi, Afrique du Sud, Thaïlande Zimbabwe et États Unis) par les chercheurs de l'université de Caroline du Nord. Elle montre que la PrEP prévient 93 % des infections au sein de couples séro discordants.

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin: 9513