AUJOURD’HUI à la tête du groupe européen leader de la prise en charge de la dépendance (170 établissements en France, Italie et Allemagne), Rose-Marie Van Lerberghe part à l’assaut de « l’épouvantail du vieillissement ». Bien entendu, son livre* ne minimise pas les défis posés par la longévité et la dépendance. En 2050, souligne-t-elle, près de 16 % de la population française aura plus de 75 ans, contre moins de 9 % aujourd’hui ; la maladie d’Alzheimer, qui touche déjà 850 000 Français, enregistre 165 000 nouveaux cas chaque année. Ainsi, selon une étude de l’Observatoire des retraites, la dépendance physique avec la perte de mobilité et la dépendance psychique avec la perte de la mémoire inquiètent respectivement 60 et 58 % des personnes interrogées.
Sans nier ces réalités, la présidente de Korian veut « remettre les pendules à l’heure » et apporter de la sérénité, voire de l’optimisme dans le débat. Sous le titre anticatastrophiste « Vivre plus longtemps », elle démontre que les peurs sont souvent aussi irrationnelles qu’injustifiées. Ainsi, reprenant la jolie formule du Pr Françoise Forette, « le nombre des personnes âgées augmente et le vieillissement recule », elle note qu’aujourd’hui près des trois-quarts des plus de 85 ans sont autonomes, valides et en pleine possession de leurs facultés mentales. Ce n’est qu’après 95 ans que la dépendance nécessitera d’être prise en charge, pour 40 % des hommes et 55 % des femmes. « L’âge ne fait pas de nous une citadelle assiégée dont il s’agirait seulement d’éloigner les maladies le plus longtemps possible », assure-t-elle. Pour cela, l’image positive de soi, le maintien du lien social, les plaisirs de tous ordres, partagés, sont autant de facteurs du bien vieillir, de ce que R.-M. Van Lerberghe appelle « la vieillesse des vivants ». Une stratégie préventive s’impose à cette fin, « pour ajouter de la vie aux années et pas seulement des années à la vie ».
Comme chez soi en EHPAD.
Quatre-vingt-douze pour cent des personnes âgées veulent rester chez elles, selon une enquête récente et l’auteur ne s’en étonne pas. Mais quand viennent les limites du vivre chez soi, faut-il, demande-t-elle, céder à la peur d’entrer en maison de retraite ? Certes, parmi les EHPAD (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), les médias jouent leur rôle d’alerte face à des moutons noirs et à des aigrefins. Mais Rose-Marie Van Lerberghe se fâche contre les ragots et les rumeurs qui entachent la réputation de la profession. L’image des maisons de retraite, clame-t-elle, se nourrit de fantasmes sur la dépersonnalisation des pensionnaires, vieillards prostrés dans leurs fauteuils entre deux repas, animations infantilisantes, personnel sans formation, diversité ethnique, maltraitance grossière (pratiques de contention physique ou chimique, agressions psychologiques) ou subtile (conviction de savoir mieux que la personne ce qui est bon pour elle).
La réalité, proteste-t-elle, a évolué plus vite que la réputation. Dans les années 1980, les salles de 40 lits étaient monnaie courante, avec une infirmière pour 80 personnes, des aides-soignantes sans aucune expérience des personnes âgées, pas de kiné, ni de psychologue. Ce tableau est « en retard d’une guerre ». Avec la personnalisation croissante, la combinaison du respect de l’intimité des personnes avec le développement d’une vie sociale, tout n’est pas gagné, mais la reconnaissance et la libération des personnes âgées est « officiellement encouragée ». C’est la révolution du « vivre comme chez soi » dans les EHPAD. Et le lecteur fera son profit du guide très concret de la visite de l’EHPAD avant admission, avec quantité d’indices, positifs ou négatifs, pour faire le bon choix.
Reste une peur bien ancrée dans l’opinion : que ni les familles, ni la collectivité ne puissent assumer au final la charge financière de la dépendance. Et que le « 5e risque » (après la maladie, les accidents du travail, la famille et la vieillesse) ne se transforme en « 5e trou ». Le plan Van Lerberghe repose sur deux piliers : la réorganisation de la filière des soins, qui passe par l’amélioration de l’accès à un soin approprié et l’optimisation des séjours hospitaliers ; et le partage de la charge financière. La création des assurances dépendance est une première piste. Elle ne devrait pas pénaliser les jeunes générations, l’option d’une cotisation obligatoire à partir de 50 ans semblant équilibrée. À long terme, c’est toute la protection sociale qui devra être remise à plat, en particulier la distinction actuelle entre le médico-social et le sanitaire. Au-delà des mesures techniques, la présidente de Korian demande que soient réunies les conditions d’une véritable économie du vieillissement. Une économie forte de ses métiers, les « professionnels de l’humain », avec leur formation et leur reconnaissance.
« Vivre plus longtemps, interrogations sur les défis de la longévité et de la dépendance », Le Cherche Midi, 272 p., 20 euros.
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