C'est en janvier 2014 que le Nutri-Score, fruit de plusieurs années de réflexion et de travaux menés en amont par l'équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle EREN, a fait sa première apparition au gouvernement.
« Le Nutri-Score, alors appelé "logo à cinq couleurs", figurait parmi 15 mesures proposées à la ministre de la Santé Marisol Touraine pour relancer la politique nutritionnelle de santé publique », raconte au « Quotidien » le Pr Serge Hercberg, nutritionniste à l'origine du Programme national nutrition santé (PNNS) et du Nutri-Score. Le principe d'un logo, sans qu'il ne soit précisé lequel, est retenu par la ministre et intégré à la loi de modernisation du système de santé de janvier 2016.
Des lobbys mobilisés très tôt
« Les lobbys des industriels, déjà mobilisés contre le Nutri-Score dès le rapport de 2014, ont alors tenté de proposer des alternatives au Nutri-Score et d'imposer leur propre logo », rapporte le Pr Hercberg, qui se félicite qu'ils aient finalement échoué à faire barrage à cet outil de santé publique. C'est ainsi qu'en mars 2017, Marisol Touraine officialise le choix du Nutri-Score, résultats d'une étude en condition réelle. Cette étude, menée en 2016 auprès de 60 supermarchés français, confirme l'intérêt du Nutri-Score par rapport à trois autres systèmes soutenus par les industriels (GDA et Traffic lights) ou les distributeurs (SENS).
Il a fallu ensuite attendre le mois d'octobre 2017 pour avoir l'accord de la Commission européenne. « C'est donc Agnès Buzyn, qui soutenait de longue date le Nutri-Score, qui l'a officialisé, avec le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation et le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie et des Finances », souligne le nutritionniste. À ce stade, six industriels s'étaient déjà engagés à adopter le logo. Progressivement, d'autres ont suivi le mouvement : « aujourd'hui, plus de 200 marques ont adopté le Nutri-Score », s'enthousiasme le Pr Hercberg. D'autres sont en passe de s'enregistrer auprès de Santé publique France, comme Nestlé, Carrefour et Système U qui s'étaient jusque-là farouchement opposé à ce système.
« Une fois que tous les groupes qui se sont engagés seront enregistrés, on estime que 30 à 35 % du marché alimentaire seront couverts par le Nutri-Score », avance le nutritionniste, qui déplore le refus de certains grands groupes comme Coca-Cola, Kellogg’s, Ferrero, Mars, Mondelez ou Unilever. Pour lui, les arguments qu'ils avancent au nom de la défense des consommateurs ne sont pas recevables. D'autant plus qu'aussi bien en France qu'en Europe, la demande des consommateurs se fait de plus en plus forte. En témoigne une enquête de Santé publique France diffusée en septembre 2018 : 91 % des Français seraient favorables au Nutri-Score.
Une pétition pour rendre obligatoire le Nutri-Score
Face à cet engouement citoyen et certainement par un effet de mimétisme, les industriels sont de plus en plus nombreux à adopter le Nutri-Score. Sa présence plus visible sur les étals de nos supermarchés en atteste.
Malgré ce constat encourageant, le Pr Hercberg estime qu'il est indispensable que le Nutri-Score soit obligatoire à l'échelle européenne pour qu'il ait un réel impact en termes de santé publique. Dans son discours du 12 juin 2019, le premier ministre Édouard Philippe s'est positionné en ce sens. Toutefois, selon la réglementation européenne en vigueur, le Nutri-Score ne peut être rendu obligatoire.
Ce constat n'est pas une fatalité pour le Pr Hercberg : « l'obligation est possible avec un soutien politique fort et la mobilisation des citoyens ». En effet, la Commission européenne doit revoir sa législation dans le cas où un million de citoyens européens lui demanderait. C'est pourquoi une pétition (1) a été lancée en mai par des associations de consommateurs de sept pays européens, dont la France. Près de 70 000 signatures ont déjà été recueillies sur le million attendu d'ici à mai 2020.
(1) pronutriscore.org (site officiel de la Commission européenne)
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