Saisis par l’ex-salarié du premier opérateur italien Telecom-Italia, les magistrats du tribunal de Turin ont établi un lien de cause à effet qui remet en cause les études publiées jusqu’à présent par la communauté scientifique.
La cour d’appel du tribunal de Turin a condamné l'Institut national italien pour l’assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles (INAIL), à verser des indemnités à vie (500 € par mois) à un employé de l’opérateur de la téléphonie italienne Telecom Italia. Cette décision confirme le verdict prononcé en première instance par le tribunal de Turin en 2017.
Neurinome de l'acoustique
Dans ce premier procès, la défense de Roberto Romeo a expliqué que ce salarié chargé de coordonner les équipes de techniciens, avait travaillé quatre à cinq heures par jour pendant quinze ans avec un téléphone portable et sans écouteurs. C’est cette surutilisation qui aurait provoqué chez le plaignant, un neurinome de l’acoustique puis une surdité à l’oreille gauche après l’ablation de cette tumeur bénigne.
Une thèse accueillie favorablement par les magistrats turinois. Ces derniers ont ainsi estimé que le plaignant a fourni « des éléments solides permettant d’établir un lien de cause à effet entre son exposition aux radiofréquences du téléphone cellulaire et sa maladie ». Pour arriver à cette conclusion, les juges se sont appuyés sur les déclarations d’experts indépendants qui remettent en question les études écartant le risque accru de tumeur associé à l’utilisation fréquente du téléphone portable.
Dans leur arrêté de justice, qui suscite l’indignation de la communauté scientifique italienne, les magistrats ont d’ailleurs jeté un autre pavé dans la mare : ces auteurs indépendants « ont présenté de plus grandes garanties de fiabilité que celles commandées, gérées ou financées au moins en partie par des entités dont les intérêts sont liés au résultat », ont-ils affirmé. Du petit-lait pour la défense de Roberto Romeo qui a réussi à faire introduire un précédent pouvant faire jurisprudence, de la ciguë pour les opérateurs de la téléphonie mobile et les scientifiques italiens.
En août dernier, un rapport publié par l’Institut supérieur de santé (ISS) en collaboration avec l’Agence régionale pour la protection environnementale du Piémont (Arpa Piemonte), l'Agenzia nationale pour les nouvelles technologies, l’énergie et le développement économique durable (ENEA) et l’Institut de recherches sur les ondes électromagnétiques dans l’environnement (CNR-IREA), avait démonté avant l’heure la thèse des magistrats turinois. Dans ce document, les chercheurs affirmaient que « les données épidémiologiques actuelles ne permettent pas d’associer l’utilisation du téléphone portable aux risques de néoplasie dans les zones corporelles les plus exposées aux radiofréquences durant les appels vocaux ».
Pour le Pr Walter Riccciardi, ex-président de l’ISS, qui préside actuellement l’institut Mission Board for Cancer chargé de la gestion des fonds pour la recherche oncologique en Europe : « Soit les juges turinois méritent le prix Nobel, soit ils se sont magnifiquement plantés ! Mais ils ont établi un précédent unique au niveau mondial en affirmant l’existence d’un lien de cause à effet ce qui n’a jamais été démontré par les instituts scientifiques les plus prestigieux ! ». Pour sa part, le Pr Antonio Ruggiero, directeur du département d’Oncologie pédiatrique de la Fondation polyclinique Gemelli IRCCS de Rome note qu’il « existe des études mais qu’elles se basent sur très peu de cas et qu’il n’y a pas beaucoup de suivi médical ». Selon lui, « il faudrait pouvoir élargir le nombre de cas pour comprendre les retombées après plusieurs années ». Un avis partagé par le Dr Federico Grifalchi, oncologue de l’institut hospitalier romain Vannini : « Il serait intéressant de savoir sur quel type de littérature médicale se sont basés les experts du tribunal de Turin et combien de cas ont été pris en compte pour arriver à de telles conclusions ».
Pour les avocats de la défense, ce verdict est d’une importance historique. « C’est une première au niveau mondial, il faut maintenant sensibiliser l’opinion publique », affirme maître Stefano Bortone. Tandis que l’INAIL prépare son pourvoi en cassation en attendant les motivations des magistrats qui doivent être publiées dans les trois mois suivant l’annonce du jugement, l’ex-salarié de Telecom lance déjà : « Il faudrait avertir les consommateurs et écrire des messages sur les boîtiers des téléphones portables pour informer les consommateurs des risques qu’ils prennent car le cellulaire peut avoir des effets graves sur la santé ».
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