FAUT-IL en France un plan « Grand froid » à l’image du dispositif d’alerte mise en place pour la canicule ? La direction générale de la Santé (DGS) a posé la question à l’Institut de veille sanitaire (InVS) en 2006. Pour y répondre, l’institut a lancé une série de travaux qui ont fait le point sur l’impact du froid sur la santé, inventorié les mesures existantes ou nécessaires susceptibles de réduire cet impact et étudié l’opportunité de mettre en place un système d’alerte froid et santé fondé sur le suivi de données météorologiques et sanitaires. Les résultats sont publiés aujourd’hui dans le « BEH » (n° 7, 1er mars).
Afin de juger de la pertinence et de la faisabilité d’un tel système, un certain nombre de critères ont d’abord été définis : le froid doit avoir un impact réel sur la santé publique ; le déclenchement d’une alerte doit permettre d’éviter ou de diminuer l’impact sanitaire ; le système d’alerte doit faire partie d’un plan d’action ; des indicateurs biométéorologiques prédictifs de la mortalité et de la morbidité, d’une utilisation simple et qui peuvent être adaptés à toutes les régions, doivent pouvoir être développés avec des seuils de surmortalité biens définis ; des indicateurs doivent permettre de suivre l’impact sanitaire d’une vague de froid.
Population vulnérable.
Pour la plupart, ces critères pourraient être remplis, explique l’InVS, à l’exception du plus important d’entre eux : « En l’état actuel des connaissances, la plupart des mesures pour prévenir l’impact du froid sont des mesures de fond de nature sociale, dont l’impact positif concerne également le chauffage, l’isolation et l’insalubrité de l’habitat », expliquent Karine Laaidi et col., les auteurs de l’étude. En d’autres termes, le déclenchement d’une alerte pourrait permettre d’éviter ou de diminuer l’impact sanitaire s’il était possible de réduire la vulnérabilité de la population au froid. Or, celle-ci est avant tout une conséquence de la précarité économique. Une étude de l’Union européenne montre que 6,2 % des ménages français (1 578 000 ménages) considèrent ne pas être en capacité de payer pour garder leur logement chaud, 12,2 % affirment avoir de l’humidité et de la moisissure à l’intérieur de leur logement et 6,4 % disent avoir été en impayés de facture durant les 12 derniers mois. Les mesures de fond qui visent à agir bien en amont de la vague de froid ne relèvent pas d’un système d’alerte. Les mesures conjoncturelles déclenchées au moment de l’alerte n’ont qu’un rôle marginal. Celles-ci consistent essentiellement à diffuser des conseils de prévention sur les comportements à adopter (chauffage correct du domicile et de la voiture, port de vêtements chauds, consommation de boissons chaudes non alcoolisées, traitements médicamenteux à adapter, activités en plein air à éviter…), ce qui ne résout pas les problèmes d’exposition au froid des personnes vivant dans des logements mal isolés et mal chauffés. Un bémol cependant pour les personnes en situation de grande précarité qui peuvent bénéficier de l’ouverture de centres d’hébergement et de maraudes en cas de grand froid.
Vigilance Météo.
Un tel dispositif existe déjà en France depuis 2004. Deux systèmes ont été mis en place, l’un pour les sans-abris, l’autre pour la population générale avec des seuils de température ressentie différents. Dans le premier cas, à partir des seuils de - 5 et - 10 °C, les préfets peuvent déclencher les mesures d’urgence destinées aux sans-abri ; dans le second cas, à partir des seuils de - 18 et - 25 °C, des conseils de comportements sont diffusés en population générale. L’InVS assure un suivi des informations et des alertes météorologiques via les cartes de vigilance de Météo-France. Une circulaire interministérielle de 2007 élaborée par la DGS précise les actions à mettre en œuvre au niveau local. D’autres pays comme le Canada, les États-Unis, le Royaume-Uni, la Finlande ont également opté sur des systèmes reposant sur la communication et sur des mesures générales de prévention.
L’InVS recommande donc de poursuivre les efforts et aides publics pour l’isolation thermique des bâtiments et l’accès à une énergie propre et suffisante pour tous. « La plus faible mortalité hivernale dans les pays à climats froids tend à montrer l’efficacité de ce type de mesures de prévention », relèvent les auteurs. Ils soulignent aussi la nécessité de développer la recherche sur les relations entre froid et santé (morbidité et mortalité).
Néanmoins, à la question « Le froid a-t-il un impact sur la santé publique ? », l’étude de l’InVS répond de manière positive, autant en termes de mortalité qu’en termes de morbidité (voir encadré). L’étude montre aussi, sur la base des variations de température à Paris et à Marseille entre 1984 et 2004, qu’il est possible de développer des indicateurs biométéorologiques prédictifs. De même, certains indicateurs sanitaires sont déjà disponibles via le réseau OSCOUR (Organisation de la surveillance coordonnée des urgences), qui couvre 50 % des passages aux urgences avec une qualité de transmission proche des 90 %. Seuls 29 départements ne sont pas encore couverts par le réseau.
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