LE RÔLE des pesticides a déjà été évoqué dans la survenue de nombreuses affections : cancers, baisse de la fertilité, troubles psychiatriques comme l’anxiété ou la dépression, maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer ou la maladie de Parkinson. Les résultats obtenus à partir de la cohorte PHYTONER, une population d’ouvriers agricoles girondins affiliés à la Mutuelle agricole (MSA) posent une nouvelle fois la question du lien entre une exposition prolongée aux pesticides et la survenue d’une démence.
Entre février 1997 et décembre 1998, 928 ouvriers âgés de 40 à 55 ans en 1995 et qui cette année-là avaient cumulé au moins 1 000 heures par an de travaux dans une exploitation viticole ont été inclus dans l’étude PHYTONER afin de comparer la fréquence des troubles neurocomportementaux chez les ouvriers exposés aux pesticides et chez ceux qui ne l’avaient pas été. L’étude de leur parcours professionnel a permis de déterminer 4 groupes : ceux qui ont été directement exposés (responsable de la pulvérisation des pesticides ou du nettoyage et de l’entretien des appareils de pulvérisation) ; ceux qui ont été indirectement exposés (pas de contacts avec les produits mais avec les vignes traitées au moment de la taille ou de la récolte) ; ceux qui ont pu être indirectement exposés (contact possible dans les bâtiments ou les caves) ; ceux pour qui aucun contact ne peut être rapporté.
Au moment de l’inclusion, les participants ont été soumis à une batterie de 9 tests neuropsychologiques. Quatre ans plus tard, entre mai 2001 et décembre 2003, une nouvelle batterie de tests a été réalisée.
Baisse accélérée.
Les résultats à quatre ans sont présentés dans le numéro de décembre d’« Occupational and Environmental Medicine », revue du groupe BMJ (« British Medical Journal »). Ils portent sur un échantillon de 614 sujets (67 % des sujets inclus) avec un suivi moyen de 4,7 ans. Parmi eux, plus de la moitié a été directement exposée (54,7 %), 1 sur 5 ne l’a jamais été et 26 % l’ont été indirectement de manière certaine ou possible. Les auteurs, Isabelle Badi et coll. (Laboratoire Santé travail environnement de l’Institut de santé publique d’épidémiologie et de développement et centre INSERM U 897)*, ont mis en évidence une baisse des performances à certains ou à tous les tests, une baisse attendue liée au vieillissement (un gain de 1 an était associé à un risque plus élevé de 5 à 16 % d’avoir un mauvais score), à un faible niveau d’éducation, à une consommation excessive d’alcool, à la prise de médicament psychoactif ou la présence d’une dépression.
Surtout, l’analyse univariée comparant les différents groupes de l’étude confirme « que le risque d’avoir un mauvais score au test est significativement plus élevé chez les sujets exposés, directement ou indirectement, que chez les sujets non exposés ». Chez les sujets exposés le risque d’avoir de faibles scores aux tests, à l’entrée ou après 4 ans, était 5 fois plus élevé que chez les autres. En particulier, le risque d’observer un score inférieur de 2 points au test MMSE (Mini-Mental State Examination) était 2 fois plus élevé. Or, soulignent les auteurs, ce test est fréquemment utilisé pour repérer une démence.
De plus, excepté pour deux tests, la baisse de performance entre le début de l’étude et la fin de la période de suivi a été plus importante chez les sujets exposés que chez les autres. Le déclin observé au test MMSE « est particulièrement étonnant compte tenu de la faible durée de la période de suivi et de l’âge relativement peu élevé des participants », notent les auteurs. Ceci pose la question d’une évolution ultérieure vers une maladie neurodégénérative. En effet, « de nombreuses études ont montré que de faibles performances cognitives étaient associées à un risque de démence », soulignent-ils.
L’étude n’a pas déterminé le type de pesticides utilisés mais signalent que les produits phytosanitaires utilisés dans les années 1970-1980 étaient surtout des fongicides (dithiocarbamates, phtalimides, dicarboximides, triazoles), des substances inorganiques (cuivre, sulfate, arsenic) et dans une moindre mesure des insecticides (organophosphates, organochlorines et carbamates) et des herbicides (triazines ou sulfamides).
* Ont aussi participé à l’étude, le CNRS, UMR 5231 de l’Université Victor Segalen (Bordeaux 2) et le Centre François Baclesse (Groupe régional d’études sur le cancer, Université de Caen).
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