Sixième enquête KABP sur le VIH/sida

Un risque moins bien perçu par les 18-30 ans

Publié le 28/11/2011
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Crédit photo : PHANIE

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QUINZE ANS après l’arrivée des trithérapies antirétrovirales, quelle est l’attitude des Français face aux VIH/sida, quelles connaissances ont-ils de la maladie, comment la perçoivent-ils et comment s’en protègent-ils ? La nouvelle édition de l’enquête KABP tente pour la sixième fois depuis 1992 de suivre l’évolution de ces différents indicateurs. Les premiers résultats, publiés à la veille de la Journée mondiale du sida, semblent indiquer, comme en 2004, que le VIH/sida est « de moins en moins visible dans la population générale et suscite moins de crainte ». Cette tendance est, en 2010, plus marquée dans la population des jeunes adultes, nés entre 1980 et 1992 et qui ont commencé leur sexualité après 1996, dans un contexte épidémiologique et social du sida différent de celui de leurs aînés.

L’analyse porte sur les 2 781 personnes habitant l’Ile-de-France parmi les 11 000 personnes âgées de 18 à 69 ans interrogées, avec une comparaison avec les tendances observées au niveau national**. « D’une manière générale, les tendances observées au niveau de l’Île-de-France se retrouvent au niveau national mais parfois à des niveaux un peu différents », indique Nathalie Beltzer, responsable scientifique de l’enquête. L’Île-de-France reste il est vrai l’une des régions les plus touchées, avec un nombre de découvertes de séropositivité 4 fois supérieure au reste du territoire.

Croyances erronées.

En 2010, un Francilien sur cinq déclarait connaître un parent, un ami, un collègue ou un partenaire séropositif ou malade du sida, une proportion plus élevée qu’au niveau national mais en baisse depuis 1998. Chez les plus jeunes, ils sont seulement 14 % à connaître une personne séropositive (25 % chez les plus de 30 ans), alors que la probabilité de connaître dans son entourage une personne séropositive devrait croître au fil des ans du fait de l’efficacité des ARV et d’un nombre plus important de personnes vivant avec le virus du sida. Cette moindre visibilité du VIH/sida s’explique aussi bien par le fait « qu’il est moins bien perçu par l’entourage que parce que les personnes atteintes elles-mêmes se manifestent moins », indique l’ORS.

La tolérance vis-à-vis des personnes atteintes est bonne et même un peu meilleure qu’en 2004 : 90 % des personnes interrogées accepteraient de travailler, d’aller manger ou de partir en vacances avec elles. Toutefois, seulement 20 % d’entre elles consentiraient à avoir des rapports sexuels avec une personne séropositive. « Pour la première fois depuis 1992, ce sont les jeunes qui refusent davantage que leurs aînés » d’avoir de tels rapports (12 % des 18-30 ans accepteraient contre 20 % des plus âgés). La majorité des Franciliens estiment que, pour éviter les discriminations, les séropositifs ont raison de garder le secret (73 %). Quant à la crainte de la maladie, en constante baisse depuis plusieurs années, « elle rejoint pour la première fois le niveau de crainte des autres IST ».

Si, globalement, les Franciliens ont une bonne connaissance des modes de transmission et de protection du VIH (90 % savent que le VIH peut être transmis lors des rapports sexuels sans préservatif ou lors d’une piqûre de drogue avec une seringue déjà utilisée), « certaines croyances persistent et tendent même à s’aggraver », souligne Nathalie Beltzer. En effet, 21 % des personnes interrogées continuent à croire que le VIH se transmet par piqûre de moustique, 13 % dans les toilettes publiques et 6 % en buvant dans le verre d’une personne contaminée. « Pour la première fois en 2010, en Île-de-France comme en France, ce sont les jeunes de 18-30 ans qui maîtrisent le moins bien les mécanismes de transmission et de protection », relève l’ORS.

Doutes sur le préservatif.

Certains indicateurs « semblent suggérer que le VIH n’est plus aujourd’hui l’enjeu principal des comportements de prévention », s’inquiète l’ORS. Le préservatif comme mode de protection est bien connu et apparaît même comme « quelque chose de banal » pour 3 Franciliens sur 4 (74 % au niveau national), un niveau jamais atteint depuis 1994. Mais ils sont de plus en plus nombreux à émettre des doutes sur son efficacité : 25,6 % (24,6 % au niveau national) pensent que le VIH peut se transmettre lors des rapports sexuels avec préservatif et ils sont moins en moins nombreux à considérer qu’il est tout à fait efficace pour se protéger du VIH (58,8 % et 58,9 %), surtout parmi les 18-30 ans, s’alarme l’ORS. S’ils continuent à l’utiliser lors des premiers rapports sexuels (16,5 ans chez les hommes, 17,2 ans chez les femmes), « le préservatif apparaît davantage déconnecté de son enjeu préventif. » Nathalie Beltzer note « un effacement du lien avec le sida » et des réflexes de protection « de moins en moins connectés au risque ».

Par ailleurs, pour la première fois, la proportion de femmes ayant utilisé un préservatif lors du dernier rapport est en baisse, alors qu’il est stable chez les hommes. Et cette moindre utilisation n’est pas compensée par une autre méthode de contraception, puisque la proportion de femmes qui ont eu un dernier rapport sans aucune protection est elle aussi plus élevée.

En revanche, le recours au test de dépistage est plus fréquent et apparaît comme une stratégie plus fréquemment envisagée comme efficace pour se protéger du VIH, surtout par les jeunes : 84 % des répondants (72 % en 2004), dont 90 % chez 18-30 ans. « Pour la première fois, en Île-de-France comme en France, on observe une augmentation de l’adhésion au dépistage obligatoire pour toute la population, augmentation observée surtout parmi les jeunes Franciliens (38 % en 2004 à 50 % en 2010) », commente l’ORS. Selon les auteurs, les campagnes d’information sur la contraception et la prévention doivent être repensées et adaptées aux représentations et au mode de vie surtout chez les jeunes.

* Enquête réalisée en collaboration avec l’Institut de veille sanitaire (InVS) et l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) et avec l’appui financier de l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS), de la Direction générale de la santé (DGS) et de l’Institut de recherche en santé publique (IReSP)

** Les résultats nationaux détaillés sont attendus pour le début de l’année 2012.

 Dr LYDIA ARCHIMÈDE

Source : Le Quotidien du Médecin: 9049