« L’HYPOTHÈSE la plus probable pour expliquer l’émergence soudaine du choléra en Haïti est que le Vibrio cholerae a été transmis par une personne infectée ou par des aliments et autres substrats contaminés et introduit dans l’île à partir d’une région géographiquement éloignée de l’Amérique latine », explique le Pr Matthew K. Waldor, co-auteur d’une étude sur l’origine du choléra en Haïti fondée sur l’analyse moléculaire de 2 souches isolées en Haïti comparées à trois autres souches, l’une provenant de l’épidémie survenue au Pérou (Amérique latine) en 1991 et deux autres isolées en Asie du sud pendant les épidémies de 2002 et 2008 du Bengladesh.
Les résultats publiés dans le « NEJM » du 9 décembre complètent les précédentes analyses du CDC réalisées à partir de souches prélevées chez 14 malades Haïtiens qui avaient mis en évidence une souche unique, V. cholerae sérogroupe O1 sérotype Ogawa biotype El Tor, proche de celles qui circulent en Asie du sud. Le CDC avait conclu que cette couche avait sans doute été introduite à l’occasion « d’un événement unique ».
La nouvelle analyse, réalisée par une équipe internationale, anglaise, américaine et haïtienne, utilise des techniques plus sophistiquées, de troisième génération de séquençage de l’ADN. Elle montre que la souche haïtienne est bien celle qui est à l’origine de la septième pandémie (souche pandémique El Tor) partie de l’Indonésie dans le delta du Gange et au Bangladesh en 1961 et qui depuis s’est étendue à l’ensemble de l’Asie, au continent africain en 1971 puis au Pérou en 1991, avant de se propager à l’ensemble du sous-continent américain y compris en Amérique centrale.
Gènes de virulence.
L’étude confirme l’hypothèse généralement admise selon laquelle la souche actuellement endémique en Amérique latine a été introduite à partir de l’Afrique. La souche haïtienne, différente de cette souche américaine endémique est, en revanche, très proche des souches les plus récentes d’Asie du sud (2002 et 2008). Une telle observation exclut, selon les auteurs, une quelconque origine environnementale favorisée par les courants océaniens ou les événements climatiques. L’étude ne se prononce pas quant aux circonstances précises de l’introduction du vibrion dans l’île, les chercheurs affirmant qu’une « investigation épidémiologique plus poussée » serait nécessaire. Toutefois, ils signalent que la proximité à la fois spatiale et temporelle entre le début de l’épidémie et l’arrivée des troupes de l’ONU a donné lieu à des spéculations qui ont déjà déclenché des émeutes meurtrières.
Plutôt que d’une identification précise de la source, les auteurs s’inquiètent des caractéristiques de cette souche d’Asie du sud porteuse de gènes de virulence qui la rendent hautement pathogène (diarrhée et déshydratation sévères) et qui, de plus, est davantage résistante aux antibiotiques. Ils craignent que ce nouveau variant haïtien ne remplace la souche endémique en Amérique latine et appellent à une approche plus globale de lutte contre l’épidémie qui inclurait la vaccination. « Une campagne de vaccination contre le choléra permettrait non seulement de mieux contrôler l’épidémie à Haïti mais aussi d’éviter que la nouvelle souche et ses gènes de virulence ne se répandent au-delà de l’île d’Hispaniola », estime le Pr John J. Mekalanos, lui aussi co-auteur de l’étude.
C’est aussi pour mieux adapter les mesures et pour éviter que la souche ne persiste à l’état endémique que le Pr Renaud Piarroux qui, lui, a réalisé une étude épidémiologique, demandait à ce que les conclusions de son rapport soient prises en compte (« le Quotidien » du 9 décembre). Dans son rapport, il estime qu’une « contamination massive » est sans doute en cause et que celle-ci « ne peut avoir été provoquée que par le déversement en une seule fois dans le fleuve d’une quantité phénoménale de matières fécales issues d’un grand nombre de malades ». Une observation qui met en cause l’armée népalaise. Celle-ci a d’ailleurs fermement condamné les conclusions du rapport qui ne contiendrait, selon elle, aucune « preuve concrète ». L’ONU, qui poursuit ses investigations, a, pour sa part indiqué la mission en Haïti, « n’a ni accepté ni rejeté les conclusions » du Pr Piarroux.
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