Grossesse après chirurgie bariatrique

Des recommandations pour la pratique clinique

Par
Publié le 29/10/2018
Article réservé aux abonnés

Le recours à la chirurgie bariatrique connaît un très net essor depuis une dizaine d’années, et le nombre de femmes en ayant bénéficié et désirant une grossesse a nettement augmenté. Le groupe d’experts rappelle qu’il est conseillé d’attendre de douze à dix-huit mois après la chirurgie pour débuter une grossesse, et insiste sur l’importance d’une consultation préconceptionnelle et du suivi multidisciplinaire.

En raison du risque de prématurité, diagnostic et datation précoces de la grossesse sont recommandés. Un diabète prégestationnel doit être dépisté par le dosage de la glycémie à jeun et de l’HbA1c, afin le cas échéant de mettre en place une prise en charge adaptée. En cas de négativité, ce dépistage sera renouvelé au cours du premier trimestre de la grossesse, puis au deuxième.

Une alimentation supplémentée…

Une supplémentation minimale est impérative en cas de projet de grossesse et de grossesse. Elle doit comprendre une multivitamine quotidienne contenant des éléments traces avec au moins 10 mg de zinc et 1 mg de cuivre et ne contenant pas plus de 5 000 unités (1,5 mg) de vitamine A, de préférence sous forme de bêta-carotène plutôt que de rétinol. Il est recommandé de maintenir cette supplémentation multivitaminique tout au long de la grossesse. Elle doit également comporter de l’acide folique à la dose de 0,4 mg jusqu’à la 13e semaine d’aménorrhée, quel que soit le type de chirurgie. Il est par ailleurs recommandé de corriger les carences éventuellement identifiées lors du bilan préconceptionnel.

En début de grossesse, les femmes doivent idéalement être adressées à un diététicien, afin qu’il évalue les apports caloriques et protéiques. L’apport recommandé en protéines est ≥ 60 g/j, ce qui n’est pas toujours facile à atteindre. Il faut alors une prise en charge diététique renforcée, et faire si besoin appel à des suppléments protéiques.

La surveillance biologique doit être étroite, avec des dosages recommandés dès le début de la grossesse puis trimestriellement, quel que soit le type de chirurgie : hémogramme, ferritine, coefficient de saturation de la transferrine, albumine, préalbumine, 25-OH-vitamine D, PTH, calcémie, phosphorémie, folates sériques et érythrocytaires, vitamine B12, temps de prothrombine, magnésium, sélénium et zinc sérique.

… à prescrire avec prudence

Les experts mettent l’accent sur la nécessaire prudence dans l’interprétation des résultats, en l’absence de normes validées pour les dosages de vitamines et d’éléments traces au cours de la grossesse. En effet, si certains paramètres (sélénium et préalbumine) semblent rester stables, la plupart diminuent de 25 à 30 % (hémoglobine, albumine, vitamines B9, B12, A et D, zinc, calcium, ferritine, magnésium et PTH), tandis que vitamine E, cuivre et céruloplasmine augmentent.

La prescription de suppléments vitaminiques à partir des résultats biologiques doit suivre le même schéma qu’en dehors de la grossesse, en tenant compte des risques fœtaux des surdosages : risque tératogène pour la vitamine A (> 10 000 U/j), risque de petit poids pour l’âge gestationnel en cas de surdosage en fer (hématocrite > 39 %) ou d’excès d’apports protéiques (> 1,6 g/kg/j).

Présentation du Pr Bruno Langer, hôpital de Hautepierre (CHU de Strasbourg)
(1) Ciangura C. « Grossesses après chirurgie bariatrique : recommandations pour la pratique clinique », Annales d’endocrinologie, vol 79, no 4, septembre 2018, p. 201

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du médecin: 9698