Futures générations d'exos, un retour nécessaire au concept de la marche

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Publié le 03/04/2018
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« Le niveau de maturation des exosquelettes est très faible actuellement », le constat sans appel du Pr Isabelle Laffont est largement partagé. « La question de la récupération motrice n'est pas approfondie ni assez abordée », regrette le Pr Olivier Rémy-Néris. Le Dr Agnès Roby-Brami déplore « un manque de lien entre robotique pure et la physiologie du mouvement ». Au-delà de la robotique et de l'intensification, « on ne sait toujours pas ce qu'il faut faire à un patient pour qu'il récupère davantage », renchérit Olivier Rémy-Néris.

Vaut-il mieux rééduquer articulation par articulation ou entraîner le mouvement à partir de la distalité sur le modèle des robots end-effector ? Les spécialistes sont unanimes, la question scientifique reste ouverte. « Il y a un vrai problème de concept de la marche, explique Isabelle Laffont. Aujourd'hui, il n'y a pas d'argument physiologique pour dire qu'une méthode est meilleure que l'autre ».

La spécialiste de Montpellier suggère une complémentarité dans les indications. « À mon sens, il faut beaucoup affiner les indications, développe-t-elle. À un moment donné, un patient pourra relever d'une rééducation articulation par articulation, pour un autre et/ou à un autre moment, une rééducation end-effector sera plus adaptée. » La rééducation des membres inférieurs pourrait bénéficier du développement du mode actif aidé, estime Agnès Roby-Brami. « Aujourd'hui, l'exosquelette des membres inférieurs porte l'individu sans se préoccuper des mouvements résiduels », relève-t-elle. 

Pour Isabelle Laffont, les jeux vidéo associés à la robotique n'en sont qu'à leurs balbutiements. « Il y a tout un champ de recherche à investir, explique-t-elle. Les jeux vidéo doivent être intelligents et adaptatifs. Il y a beaucoup à attendre avec l'évolution des technologies. Je suis très confiante ».

La commande de l'exosquelette est un gros point de recherche. « Il y a encore beaucoup à faire sur la commande qui s'adapte, estime Agnès Roby-Brami. À cet égard, le travail de Wandercraft est très intéressant, c'est une percée importante ».

Au Japon, l'exosquelette HAL est commandé via un enregistrement de l'activité des muscles par EMG. Dans le cadre des interfaces cerveau-machine pour les tétraplégiques, la commande cérébrale peut se faire à l'aide de l'EEG, « la personne doit apprendre à produire un état mental qui peut être reconnu par l'interface, par exemple penser à un carré rouge. Cela demande un énorme effort de concentration », explique Agnès Roby-Brami. 

Pour la commande par électrodes cérébrales, comme celle développée par le CEA-Clinatec, « elle est plus précise mais invasive », estime la chercheuse de l'ISIR. Des pistes moins agressives peuvent être exploitées, « par exemple la récupération par accéléromètre de signaux de mouvement chez le tétraplégique, comme l'inflexion du tronc, le clignement des yeux, le souffle », indique Agnès Roby-Brami.

L'avancée des neurosciences va sans doute apporter des réponses. « La démarche n'a pas été assez scientifique, analyse Olivier Rémy-Néris. Plutôt qu'avoir des idées sur le tas et les tester, il faudrait revenir à une modélisation animale ». Abderrahmane Keddar, chercheur au LIRMM, va même plus loin : « Il faudrait repenser le problème autrement avec les connaissances acquises sur la marche et la plasticité cérébrale et aller vers l'exploration de nouvelles pistes, par exemple motoriser le squelette ou utiliser les cellules souches ».

 

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin: 9653