Tout patient est un plaignant en puissance, et rien ne sert de se retrancher dans sa tour d’ivoire lorsque survient un pépin au bloc : tel est le message qui a été porté par plusieurs experts lors d’un colloque de l’Académie de chirurgie consacré à la responsabilité juridique du chirurgien.
Même en l’absence d’accident, le comportement est déterminant. « Le chirurgien n’est pas intouchable. Toutes ses actions, tous ses écrits peuvent avoir une incidence médicolégale », souligne le Dr Philippe Breil, de la Fédération de chirurgie viscérale et digestive. Les chirurgiens concentrent la moitié des réclamations de patients.
Premier réflexe à adopter pour éviter les conflits : apprendre à gérer le risque. « Le fait d’être accrédité diminue le risque de sinistre de 10 % », affirme le Dr Antoine Watrelot, de l’Association de prévention du risque opératoire (Asspro). L’EPP, le DPC et les recommandations sont entrés dans les mœurs. « On ne travaille plus du tout comme autrefois », confirme le Dr Jacques Caton, fondateur d’Orthorisq. Des freins culturels demeurent cependant : la déclaration des événements porteurs de risque est loin d’être systématique. Et la « check-list » opératoire a connu des débuts difficiles.
Le Dr Breil conseille à chacun de connaître les taux de morbidité et de mortalité liés à son exercice. Évaluer sa santé physique et psychique est un autre impératif : « Le chirurgien est un sportif de haut niveau. Il ne doit intervenir que s’il est en pleine possession de ses moyens ».
Coucher par écrit qui fait quoi au bloc
Une charte pour définir le domaine d’intervention des chirurgiens et des anesthésistes est fortement recommandée. « Le temps de la patate chaude [où le chirurgien se déchargeait sur l’anesthésiste, NDLR] est révolu, déclare Me Philip Cohen. Il faut tracer, verbaliser, protocoliser et donner au juge des référentiels lui permettant d’évaluer la responsabilité de chacun ».
La tenue du dossier patient, autre priorité, ne peut souffrir aucune approximation. « Dans plus de 50 % des cas, le consentement est absent ou défectueux, complète le Dr Watrelot (Asspro). L’information est donnée à l’oral, mais si on n’a pas de papier signé, on est systématiquement condamné ». Pour garantir la traçabilité, le cabinet Branchet met en place le consentement éclairé électronique.
Trop souvent, un malentendu est à l’origine de la plainte. Les raisons sont multiples : attente jugée trop longue, diagnostic mis en doute, problème d’accès au dossier, défaut d’information (souvent reproché après le décès d’un proche)... « La communication doit accompagner votre art médical. Dans une société anxiogène, le patient a besoin d’être rassuré », insiste Me Bénédicte Papin, avocate de victimes.
Marguerite Merger-Pelier s’est pour sa part employée à rassurer les chirurgiens : « Je suis juge et je ne suis pas l’ennemie des médecins. Quand un problème survient, répondez à toutes les questions, et surtout, n’ayez pas de position de retrait ».
Mais pour le Dr Philippe Cuq (le Bloc), des zones d’ombre demeurent. Le mercenariat, en particulier, l’amène à s’interroger : « J’ai passé la semaine dernière au bloc avec un anesthésiste de 77 ans, et la semaine d’avant avec un anesthésiste italien ne parlant pas bien français. Mets-je en cause ma responsabilité ? ».
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