Peut-on prévoir l’âge de survenue de la ménopause ?

Les facteurs impliqués sont multiples et complexes

Publié le 07/01/2016

L’âge de la ménopause, tout au moins en Europe, a tendance à augmenter. Ceci est paradoxal compte tenu de l’importance du tabagisme, de l’augmentation de l’indice de masse corporelle (IMC), de la diminution de l’activité physique et du nombre d’enfants, toutes choses qui ont tendance à avancer l’âge de la ménopause. Ceci suggère l’intervention de facteurs additionnels spécifiques à nos pays développés tels une meilleure nutrition infantile et une meilleure santé globale qui ont sans doute une influence sur l’âge naturel de la ménopause (ANM).

Quoi qu’il en soit, prédire l’âge de la ménopause a un double intérêt : en santé publique et dans le domaine de la fertilité.

En santé publique, toutes les études le montrent, un âge tardif de ménopause naturelle est associé à une survie plus longue, à une diminution de la mortalité, à une réduction des maladies cardiovasculaires, à une augmentation de la densité minérale osseuse (DMO). En revanche, la persistance de l’imprégnation estrogénique expose à une augmentation du risque de cancer du sein et à une augmentation du risque de cancer de l’endomètre et de l’ovaire. Il est certain qu’un AMN inférieur à 45 ans s’accompagne d’un risque majoré de cardiopathie ischémique et de déclin cognitif.

L’intérêt pour la femme de prévoir la survenue de la ménopause est d’évaluer la durée de sa fécondité. Les femmes désirent des grossesses de plus en plus tard. Étant donné qu’il y a environ 10 ans d’écart entre l’arrêt de la fécondité et l’ANM, si la ménopause peut être prévue, la fécondité aussi. En cas de ménopause prévue précoce, une femme de 35-36 ans pourrait décider de conserver ses ovocytes

La mère, le tabac, l’alimentation…

Pour prédire l’ANM, encore faudrait-il connaître et démêler tous les facteurs impliqués. Or, « les études, déclare le Dr Gabriel André, sont toutes transversales et présentent des biais importants. On sait toutefois, que selon certaines études, il existe une héritabilité mère-fille de 30 à 60 %, ce qui est loin d’être hautement significatif mais qui permet de considérer l’ANM de la mère comme premier critère clinique prédictif. On sait aussi que la contraception orale retarde la ménopause. Ainsi, si une femme est sous pilule et que dans sa famille les femmes sont ménopausées à 55 ans, le praticien a tendance à continuer plus longtemps la contraception orale, essentiellement pour la qualité de vie qu’elle apporte ».

On a tout de même des connaissances. Ainsi, on sait que les enfants nourris au sein présentent une ménopause plus tardive, que la survenue d’événements stressants dans l’enfance a tendance à avancer l’ANM. Le tabagisme avancerait la ménopause de 2 ans en moyenne avec un effet dose-dépendant. La malnutrition avance l’âge de la ménopause comme l’alimentation riche en graisses et/ou en hydrates de carbone. La consommation de viande a tendance à faire reculer l’âge de la ménopause.

Des gènes qui mutent, qui interagissent… c’est probable

Une méta-analyse sur 38 000 femmes a révélé 17 loci qui ont un rôle dans l’ANM. « Mais, souligne Gabriel André, on s’est rendu compte que les différentes mutations de ces gènes ne font varier l’ANM que dans 2 à 4 % des cas. C’est peu. Probablement, parce qu’il existe une interaction entre les différents gènes et également avec le tabac et l’environnement ».

Quand on considère les gènes impliqués, on remarque qu’ils interviennent au niveau de la réponse inflammatoire et non, comme on le pensait, au niveau des stéroïdes ovariens. Cette notion est relativement nouvelle. On sait par exemple que BRCA1, dont la mutation favorise la survenue de cancer du sein joue un rôle important dans la déplétion ovocytaire. La stabilité du génome est donc partie prenante dans l’âge de survenue de la ménopause.

La perte définitive de la fertilité survient à un âge moyen de 41 ans, avec toutefois une variabilité superposable à celle observée pour l’âge de la ménopause. Ces deux événements sont secondaires à la diminution des follicules ovariens avec l’âge. À la ménopause, il persiste moins d’un millier de follicules. La fin de la fertilité naturelle se produit 10 ans environ avant la ménopause.

On comprend qu’un marqueur pouvant évaluer le nombre de follicules antraux ovariens serait très utile pour la prédiction du vieillissement ovarien. L’hormone antimüllérienne (AMH) est aujourd’hui le meilleur candidat. La valeur prédictive additive de l’AMH est d’autant meilleure que les femmes sont plus jeunes et ont des cycles réguliers.

«Mais les progrès à attendre, insiste le Dr André, sont certainement dans le domaine génétique. Dans l’avenir, le décryptage possible du génome pourra permettre à l’échelon individuel une meilleure prévision de l’ANM. Prévision utile pour éviter aux femmes de se désespérer d’une grossesse impossible parce qu’il est trop tard ».

Entretien avec le Dr Gabriel André, gynécologue, Strasbourg
Dr Brigitte Martin

Source : Le Quotidien du Médecin: 9460