Santé des hommes

Monkeypox : « pour les HSH, la prise en charge suscite de l’incompréhension »

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Publié le 27/06/2022
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Selon Santé publique France, les cas de variole du singe survenus dans l’Hexagone concernent, pour l’heure, majoritairement des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH). Dans ce contexte, des questions, craintes et attentes particulières émergent. Ce dont témoigne le généraliste Daniel Gosset, qui exerce au 190, un centre de santé sexuelle parisien.

Crédit photo : DR

Pourquoi les HSH sont-ils particulièrement touchés par cette vague inédite de variole du singe ?

Dr Daniel Gosset : Je ne suis pas sûr qu’une explication claire ait déjà pu être formulée. On sait que les IST sont classiquement plus fréquentes chez les gays, qui plus est multipartenaires – profil qu’on retrouve actuellement avec le monkeypox. Mais la variole du singe n’est pas considérée comme une IST : l’hypothèse est que le virus se transmettrait par contact rapproché, à la faveur de la relation sexuelle. Cependant, la localisation des lésions varioliques observées à l’heure actuelle, différente de ce qui semble avoir été décrit jusqu’à présent, interroge. Car ce qu’on voit chez nos patients, c’est une première lésion dans la zone génitale ou anale qui ressemble à une lésion d’inoculation, à partir de laquelle l’éruption se dissémine sur le corps. Aussi, la contamination pourrait-elle se faire par l’intermédiaire du sperme ? Serait-elle favorisée par des lésions génitales ou anales préexistantes ? Dans ce contexte, quelle est l’efficacité préventive du préservatif ? Par ailleurs, nos patients concernés sont souvent séropositifs ou sous traitement, ou encore sous PrEP : cette comorbidité et ces traitements jouent-ils un rôle ? Ce qui est certain, c’est que le contexte communautaire, de vase clos, favorise la circulation du pathogène.

Est-ce la première fois que des maladies non sexuellement transmissibles à proprement parler touchent particulièrement les HSH ?

Dr D. G. : Non. Au-delà des IST classiques, il y a eu ces dernières années deux épidémies d’autres maladies, favorisées par le rapprochement des corps dans un contexte communautaire. Comme une épidémie d’hépatite A (dont la transmission est orofécale, ndlr) qui a conduit à la contamination de 1 500 personnes. Il y a notamment eu un cluster aux Canaries, lié à un évènement festif de type gay pride, à partir duquel le virus s’est diffusé dans toute l’Europe, surtout par la pratique de l’anulingus. À l’heure actuelle, la vaccination est recommandée et remboursée chez les HSH. On voit donc moins de cas – en tout cas dans notre centre –, même si quelques jeunes, qui débutent leur vie sexuelle, peuvent en particulier être touchés. Il y a également eu une petite épidémie de méningocoque C (dont la transmission est aérienne, ndlr), qui a surtout concerné les habitués de certains lieux de consommation sexuelle – clubs parisiens, backrooms, etc. La transmission était favorisée par des contacts respiratoires rapprochés, voire par le baiser profond. La vaccination est aussi recommandée.

Les instances sanitaires françaises et mondiales semblent craindre une stigmatisation des HSH. Vos patients remontent-ils déjà un tel phénomène ?

Dr D. G. : Peut-être qu’il y a une stigmatisation sur les réseaux sociaux, oui. Mais en termes de stigmatisation, ce qui semble surtout poser problème actuellement, c’est la notification des cas contacts. Car contrairement aux IST, les partenaires sexuels ne sont pas les seuls intéressés : doivent aussi obligatoirement être prévenus – et c’est relativement inédit – les autres personnes concernées par un contact proche ou prolongé, comme par exemple certains collègues de travail. D’où la crainte d’avoir à révéler son orientation sexuelle, et la tentation de fuir le diagnostic pour cette raison.

Vos patients sont-ils globalement inquiets de la variole du singe ?

Dr D. G. : Comme la communication sur la variole du singe a été très prudente pour éviter toute stigmatisation potentielle, on a plutôt l’impression d’une certaine distance, voire d’une forme de déni. Cependant, face aux chiffres qui augmentent, certains commencent à se dire qu’ils ont peut-être eu des relations avec des personnes touchées. Quoi qu’il en soit, la prise en charge actuelle suscite beaucoup d’incompréhension. Alors que les gays demandent le vaccin, ils ne comprennent pas pourquoi il est si difficile d’y accéder. Il en va de même pour les traitements. La seule issue semble le confinement trois semaines à domicile. Le risque étant qu’à terme, les patients arrêtent de consulter.

Selon vous, le vaccin doit donc être davantage mis à disposition de la communauté ?

Dr D. G. : Oui, nous attendons le vaccin mais il n’y a pas que ce blocage de l’accès au vaccin qui complique en pratique la gestion de l’épidémie. Par exemple, du fait de la classification MOT (micro-organismes et toxines, ndlr) du virus monkeypox, les prélèvements ne peuvent pas être analysés partout, comme pour le Covid-19 au début de la pandémie où des laboratoires P3 étaient requis. Là, on ne peut par exemple les envoyer qu’à la Pitié-Salpêtrière. Dans ce contexte, nous arrivons vraiment à saturation.


Source : Le Généraliste