Acide nicotinique à libération prolongée en plus d’une statine

Pas de bénéfice en prévention secondaire

Publié le 09/12/2011
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IL EXISTE UNE corrélation étroite et indépendante entre le taux du HDL cholestérol et le risque d’infarctus du myocarde : plus le HDL est bas, plus le risque d’infarctus du myocarde est élevé. Cette relation a aussi été démontrée chez les patients recevant un traitement par statine et dont le LDL cholestérol a été abaissé en dessous de 1 g/l. De ce fait, il était utile d’évaluer si un traitement pouvant augmenter significativement le HDL cholestérol, lorsqu’il est bas, permet de réduire le risque d’événements cardio-vasculaires.

Si la relation entre valeur du HDL plasmatique et risque d’infarctus du myocarde est bien établie, il n’y a pas de relation entre la valeur du HDL cholestérol et le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) fatal.

L’étude AIM-HIGH (Atherothrombosis Intervention in Metabolic syndrome with low HDL/High triglycerides: Impact on Global Health outcomes), présentée par William Boden (Buffalo, États-Unis) a eu comme objectif d’évaluer si un traitement permettant d’augmenter le HDL cholestérol en prévention cardio-vasculaire secondaire peut réduire le risque d’événements cardio-vasculaires majeurs.

Elle a été conduite en double aveugle contre placebo chez 3 414 patients recevant une statine et ayant un HDL cholestérol ‹ 0,40 g/l chez l’homme et ‹ 0,50 g/l chez la femme. Le critère primaire comprenait les décès de cause cardio-vasculaire, les infarctus du myocarde non fatals, les AVC ischémiques, les hospitalisations pour un syndrome coronaire aigu et les revascularisations coronaires ou cérébrales induites par des symptômes spécifiques.

L’étude devait être arrêtée après la survenue de 800 événements du critère primaire dans l’ensemble de la population ou lors d’une analyse intermédiaire, en cas du franchissement de seuils statistiques de bénéfice, ou d’effets indésirables ou de faible probabilité de voir apparaître une différence entre les groupes au-delà de la survenue de 50 % des événements du critère primaire.

Des résultats lipidiques attendus.

Le HDL cholestérol, dont la valeur moyenne était de 0,35 g/l à l’inclusion, avait augmenté de 25 % à 3 ans, sous acide nicotinique, soit une différence de 13,2 % par rapport au placebo. La triglycéridémie, qui était à 1,62 g/l en valeur médiane à l’inclusion, avait diminué de 30,8 % à 3 ans sous acide nicotinique, soit une différence de 20,9 % par rapport au placebo. Le LDL était en moyenne à 0,72 g/l à l’inclusion ; il avait baissé de 13,6 % à 3 ans, sous acide nicotinique, soit une différence de 6 % comparativement au placebo.

Des résultats cliniques imprévus.

Malgré ces effets lipidiques modifiant dans un sens jugé favorable à la fois le LDL, le HDL et les triglycérides, il n’y a eu aucune différence entre les deux groupes en termes de survenue d’événements cardio-vasculaires majeurs lorsque furent survenus 556 événements du critère clinique (risque relatif : 1,02 ; IC 95 % : 0,87-1,21 ; p = 0,80). Cela a conduit à arrêter l’étude au terme de 3 ans. Une décision par ailleurs d’autant plus justifiée qu’apparaissait une tendance à une augmentation des AVC ischémiques chez les patients recevant l’acide nicotinique.

Le nombre d’infarctus du myocarde non fatals a été de 80 dans le groupe placebo (4,7 % des patients) et de 92 dans le groupe acide nicotinique (5,4 % des patients) et le nombre d’AVC ischémiques de 15 dans le groupe placebo (0,9 % des patients) et de 27 dans le groupe acide nicotinique (1,6 % des patients), toutes différences non significatives (p = 0,11 pour la différence concernant les AVC ischémiques).

Les analyses en sous-groupes n’ont pas montré de différence de résultats cliniques entre les patients diabétiques (33 % des sujets inclus) et les non-diabétiques.

En 2011, il n’y a donc toujours aucune preuve que l’augmentation du HDL cholestérol et/ou la diminution de la triglycéridémie par un moyen pharmacologique modifie le risque cardio-vasculaire.

Le paradoxe de l’étude AIM-HIGH est de ne montrer aucun bénéfice clinique d’une stratégie diminuant tout à la fois le LDL et les triglycérides et augmentant le HDL cholestérol. Bien que la diminution du LDL ait été modeste dans cette étude, son résultat rappelle que toutes les stratégies diminuant le LDL n’apportent pas obligatoirement un bénéfice clinique.

Concernant l’acide nicotinique, cette étude indique qu’elle ne doit pas être utilisée chez des patients recevant une statine puisqu’elle n’apporte pas de bénéfice clinique. Son effet chez les patients ne recevant pas de statine n’est pas connu. Si un essai publié en 1975, l’étude Coronary Drug Project indiquait un bénéfice possible, les résultats concernant le critère primaire n’étaient pas statistiquement significatifs.

Un grand essai clinique, l’étude HPS 2–THRIVE est en cours, sur un effectif de 20 000 patients en prévention secondaire, afin d’évaluer à grande échelle l’effet sur le risque cardio-vasculaire de l’acide nicotinique, dans diverses situations cliniques, mais chez des patients recevant une statine et/ou de l’ézétimibe. Elle nous indiquera si le résultat de l’étude AIM-HIGH est confirmé ou s’il peut éventuellement s’expliquer par un manque de puissance et/ou une augmentation du HDL insuffisante.

 Dr F. D.

Source : Le Quotidien du Médecin: 9056