HTA

Se soigner chez le coiffeur ?

Publié le 19/04/2018

Si de nombreux hommes noirs suivent peu les conseils de santé et/ou consultent rarement, ils vont régulièrement chez le coiffeur, point de rencontre régulier fonctionnant comme le centre d’un réseau social matérialisé. Par ailleurs, le patron noir du salon de coiffure est, pour ces clients, un prescripteur d’opinion : ses clients écoutent ses conseils et lui font confiance.

Une idée curieuse…

Les auteurs de l’étude ont donc imaginé que, sous la supervision d’un pharmacien et avec l’appui du patron coiffeur, soit surveillée la pression artérielle, prodigués des conseils de santé, adapté les traitements et suivie leur observance dans les salons de coiffure dont la clientèle correspond majoritairement à la cible de l’intervention.

Parmi les 52 salons de coiffure participant à l’étude, 24 ont servi de contrôle, et l’intervention évaluée a été conduite dans 28. À l’inclusion, les patients avec une HTA non contrôlée étaient randomisés, selon le salon de coiffure fréquenté, entre une prise en charge usuelle avec de simples conseils par leur coiffeur, les encourageant à suivre leur traitement et à consulter régulièrement un médecin (n = 171), et une prise en charge plus intensive (n = 132). Cette dernière comprenait une intervention spécifique du coiffeur et d’un pharmacien. Le coiffeur devait inciter les patients à se faire suivre par un pharmacien spécialement formé. Une fois par mois, celui-ci les rencontrait chez le coiffeur afin de mesurer leur pression artérielle, prescrire des traitements, surveiller le bilan biologique (dosage effectué sur place) et envoyer des rapports aux investigateurs et médecins traitants.

Le critère primaire évalué était la différence de pression artérielle systolique (PAS) entre les deux groupes à 6 mois, et le principal critère secondaire était le taux de contrôle de la pression artérielle à 6 mois, la cible tensionnelle étant celle définie en 2017 aux États-Unis, soit une valeur de moins de 130/80 mmHg. L’adaptation du traitement, si nécessaire, suivait trois étapes : antagoniste calcique associé à un antagoniste des récepteurs à l’angiotensine 2, puis ajout d’un diurétique thiazidique (l’indapamide), puis de spironolactone.

… mais efficace et pragmatique

L’expérience s’est avérée efficace, puisqu’à 6 mois la PAS était en moyenne à 125,8 mmHg dans le groupe intervention et à 145,4 mmHg dans le groupe contrôle (variation par rapport à l’état de base : 27 vs 9,3 mmHg, soit une différence de 21,6 mmHg entre les groupes, < 0,001). À 6 mois, le taux de contrôle de l’HTA était de 63,6 % dans le groupe intervention et de 11,7 % dans le groupe contrôle (p < 0,001), et les patients du groupe intervention recevaient en moyenne 2,6 traitements antihypertenseurs, contre 1,4 dans le groupe contrôle. En matière de sécurité, il y eut trois cas d’insuffisance rénale aiguë réversible, tous survenus sous indapamide.

Cette étude rend compte d’un pragmatisme qui fait fi de certaines contraintes. Si en pratique un médecin doit tenir compte des différences interindividuelles (sexe, religion, couleur de peau…) sans porter de jugement, celles-ci sont associées à des habitudes sociales variées qui peuvent influencer la prise en charge et ses résultats. Faut-il donc proposer une consultation ouverte à tous, ou tenir compte de ces différences particulières pour adapter la pratique de soins ? Cette étude tendrait à démontrer que la seconde approche est plus efficace que la première. Mais jusqu’à quel point le système de santé doit-il intervenir chez des patients ne souhaitant pas y avoir recours ?

Victor RG, et al. Blood-Pressure Reduction in Black Barbershops. ACC/NEJM Late-Breaking Clinical Trials. American College of Cardiology Scientific Session; March 10-12, 2018; Orlando, Fla.

Dr François Diévart

Source : Le Quotidien du médecin: 9658