Le Quotidien – Comment le Dr Le Scouarnec a-t-il attiré votre attention ?
Dr Thierry Bonvalot – J’avais appris par la presse locale sa condamnation pour détention de fichiers pédophiles, puis j’ai noté la manière troublante dont il avait pris fait et cause pour un collègue accusé de viol, un radiologue qui sera par la suite condamné à 18 ans de prison ; enfin j’avais été alerté par un grave loupé qu’il avait commis lors d’une intervention sur un enfant et par son refus de s’en expliquer auprès des parents.
Comment pouviez-vous être certain d’avoir affaire à un pédophile qui passait à l’acte dans ses fonctions hospitalières ?
Quand je l’ai rencontré, il ignorait probablement que j’étais informé de sa condamnation par le tribunal de Vannes et que j’étais psychiatre. Et il était alcoolisé. Je l’ai interrogé sur l’opération qui s’était mal passée et il s’est alors vautré dans une revendication ultra-perverse des événements qui s’étaient produits au bloc, en se livrant à un festival de métaphores sexuelles. Il m’a carrément décrit ses gestes opératoires comme une relation sexuelle violente. C’était totalement bluffant : cet homme qui redoublait de précautions pour ne pas se faire prendre, tout à coup m’a livré à nu son visage de pervers à l’état pur. C’est souvent ainsi avec les pervers : quand on les fait sortir de leur scénario bien contrôlé, ils pètent les plombs et ils deviennent alors très mauvais. Je lui ai dit qu’il était dangereux et qu’il devait démissionner de l’hôpital. Pour toute réponse, il s’est foutu de moi. Pour lui, c’était moi qui avais des problèmes sexuels !
Quels éléments avez-vous mentionnés dans le courrier que vous avez adressé au directeur du CH ?
Ce type d’écrit est très délicat à rédiger. J’en ai pesé chaque terme pour ne pas m’exposer à des représailles en diffamation. Je ne disposais pas de preuves formelles pour accuser ce confrère d’être un prédateur pédophile. Mais les signes cliniques que j’avais recueillis, joints aux informations sur ses antécédents, ne me laissaient aucun doute quant à sa dangerosité. J’étais sûr de moi à 100 %. J’ai donc écrit que l’on devait s’interroger sur « la capacité du Dr Le Scouarnec à garder toute sa sérénité au contact de jeunes enfants ».
Quelles suites ont été données ?
Le Directeur, M. Labat, aujourd’hui décédé, m’a reçu et m’a écouté avec un maximum d’attention. Il a également convoqué le Dr Le Scouarnec. Et je suppose que celui-ci a dû développer une contre-prise de parole particulièrement habile pour que la transmission qui a été faite auprès de la DDASS n’entraîne aucune mesure disciplinaire. Je n’ai pour ma part été informé d’aucune décision. Le Dr Le Bras, anesthésiste et aussi maire de Quimperlé, m’a par la suite déclaré qu’une surveillance serait assurée. Je lui réponds qu’aucune surveillance ne donnerait de garanties contre les agissements d’un tel pervers.
Vous avez renoncé à agir ?
Je m’étais mouillé un maximum. Quand il y a eu une réunion pour la passation de pouvoir à la présidence de la CME, début 2007, j’ai encore évoqué le cas Le Scouarnec. Sans davantage de suites. Depuis, cette histoire n’a cessé de m’accompagner
De tels événements pourraient-ils survenir aujourd’hui ?
À la communauté médicale de se poser la question.
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