Sept opérations sur dix en ambulatoire en Grande-Bretagne, au Danemark, en Suède mais seulement quatre sur dix en France (tous secteurs) : c’était en 2013... Deux ans plus tard, cette pratique monte en puissance, traduisant une dynamique dopée par des mesures ciblées et les progrès techniques.
Le taux de chirurgie ambulatoire a atteint en 44,7 % en septembre dernier, soit 2,4 points de plus que douze mois plus tôt (42,3 % en septembre 2013). « Cette estimation est nettement supérieure à la tendance des trois dernières années », s’est félicité Jean Debeaupuis lors de la récente Journée nationale de chirurgie ambulatoire, heureux de ces résultats « très encourageants ». « En six ans, la chirurgie ambulatoire a progressé significativement de dix points », a précisé le directeur de l’offre générale de soins (DGOS).
Tarification unique et mise sous accord préalable
Cette accélération est d’abord le fruit d’une politique tarifaire incitative, finalisée en mars 2014 par la suppression des bornes basses (pour les séjours chirurgicaux sans comorbidité associée sévère), un mécanisme financier qui freinait le développement de l’ambulatoire. La tarification unique entre la chirurgie ambulatoire et conventionnelle a également pesé en adressant un signal positif aux établissements. Et la démarche contraignante de mise sous accord préalable (MSAP), qui pousse les hôpitaux à accroître l’ambulatoire sur un ou plusieurs gestes ciblés, a parachevé l’édifice.
Côté médical, l’innovation et l’appropriation accrue par les praticiens de la gestion des risques et de la maîtrise des suites opératoires ont accompagné ce nouvel élan. La réalisation en ambulatoire d’une pneumonectomie, d’un by-pass pour obésité morbide, d’une colectomie par laparoscopie ou d’une prothèse totale de hanche sont le signe de l’évolution rapide des pratiques professionnelles.
Selon le rapport 2014 de l’INCa, diffusé mardi, la chirurgie ambulatoire se développe rapidement dans les traitements du cancer en France avec une progression de 28 % en trois ans. L’ambulatoire représente désormais un cinquième des hospitalisations de court séjour pour le traitement du cancer, selon le rapport.
Camouflage
Si la chirurgie ambulatoire passe à la vitesse supérieure, le pari initial de Marisol Touraine d’une pratique majoritaire dès 2016 ne convainc pas encore l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS). Selon les experts, cet objectif sera plutôt atteint à l’horizon 2018 (avec un taux de chirurgie ambulatoire de 54,8 % dans le scénario le plus bas mais de 65 % au maximum).
De fait, des freins (organisationnels, humains) persistent. Camouflées par la quête du taux moyen, les disparités entre établissements font craindre un développement inégal de la pratique. Un écart de plus de 20 points subsiste entre le public et le privé, plus performant dans la mise en place du protocole ambulatoire. Le rythme des CHU diffère également de celui des petits hôpitaux.
Conscientes de leur avantage, les cliniques militent pour un assouplissement des normes ambulatoires sur de nouveaux actes chirurgicaux et interventionnels, en cardiologie et imagerie. Quant aux hôpitaux, ils réclament des moyens pour investir dans l’ambulatoire « première génération », avant de redimensionner leurs capacités hospitalières. Pour 2015, le budget de la Sécu ne consacre que 19,5 millions d’euros à l’accompagnement des établissements. Pas sûr que cela suffise.
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