ÉLU DÉPUTÉ de Corrèze en 1988, réélu en 1997, maire de Tulle de 2001 à 2008, président du conseil général de 2008 à 2012, François Hollande garde un œil sur ses terres. Les doléances remontent d’autant plus facilement à Paris que le maire de Tulle, Bernard Combes (PS), passe un jour par semaine à l’Élysée, comme conseiller en charge des relations avec les élus.
Tulle et la Corrèze bénéficient-elles de ce fait d’un régime de faveur ? Bien avant son élection à la présidence de la République, François Hollande a pesé pour faciliter les investissements à l’hôpital de Tulle. Ainsi le bâtiment urgences-cardiologie-soins intensifs est-il sorti de terre, ultramoderne, pour un coût de 18 millions d’euros. « L’hôpital était déficitaire. Cela n’aurait pas été possible sans appui politique », estime le Dr Jean-Louis Soulier, l’ancien chef du service de pédiatrie, adjoint au maire de Tulle.
Pour compléter l’offre de soins locale, il manquait une IRM fixe. Ce sera bientôt chose faite. Marie-Claude Ripert, militante du Front de gauche impliquée dans la défense des petits hôpitaux, s’étonne du « déblocage surprenant » qui a conduit l’Agence régionale de santé (ARS) du Limousin à donner son feu vert à une installation d’IRM à Tulle (dans la même veine, un politique ironise sur le TGI qui devrait être rapatrié bientôt dans la ville de cœur du président). Le dossier s’enlisait depuis dix ans. « Le nouveau directeur général de l’ARS a dirigé la Mutualité française. Il est peut-être bien positionné avec le PS et François Hollande », avance-t-elle. Une allégation que Philippe Calmette stoppe tout net : « Depuis ma prise de fonction il y a deux mois, il n’y a eu aucun interventionnisme, aucune demande en provenance de l’Élysée ».
Guéret aura son IRM.
Dominique Grador, adjointe au maire de Tulle, se félicite que le combat ait abouti. Mais le nerf de la guerre, plus que les équipements, sont les équipes. Le sous-effectif au bloc a lourdement pénalisé l’hôpital de Tulle l’an dernier ; avec la tarification à l’activité, c’est un peu la double peine. Par chance, l’horizon s’éclaircit : « Le recrutement de chirurgiens constitue un rayon de soleil », sourit Dominique Grador. Deux chirurgiens, un viscéral et un orthopédique, ont été libérés prématurément de leurs engagements dans d’autres hôpitaux, afin de renforcer le staff tullois. « C’est la loi de l’offre et de la demande, s’explique Nicolas Portolan, de la direction de l’offre de soins à l’ARS. Nous jouons notre carte dans le Limousin ». Cet élu local sourit dans sa barbe : « Le dossier a sans doute eu une oreille favorable du Centre national de gestion (CNG). De même peut-on imaginer que l’ARS sera fortement incitée à financer l’IRM à Tulle… ».
L’hôpital de Guéret, dans la Creuse voisine, aura aussi son IRM fixe l’an prochain. Michel Vergnier, le député-maire (PS), n’en veut pas à Hollande d’œuvrer pour Tulle. À condition que « cela suive » chez lui. « Jacques Chirac et Valéry Giscard d’Estaing ont eu la même attention pour leur territoire, alors que Nicolas Sarkozy connaissait mal la ruralité. Se demander à quoi sert la radiothérapie à Guéret [un temps menacée de fermeture, alors qu’il s’agit de l’unique service du département], cela m’avait fait bondir ! ».
Préparer la relève.
Aucun service de l’hôpital de Guéret n’est aujourd’hui dans la ligne de mire des autorités. Mais des chirurgiens sont au bord de la retraite. Comment les remplacer ? Comment renflouer aussi les rangs des médecins de ville, clairsemés dans la Creuse et en Haute-Corrèze ? Les 200 contrats de praticiens territoriaux de médecine générale proposés par le Parlement (PLFSS 2013) laissent Michel Vergnier sur sa faim. « Les incitations ne suffiront pas. Il faudrait des stages obligatoires en milieu rural, et des contrats engageant les jeunes médecins à exercer cinq ans sur le territoire qui les aura aidés durant leurs études ».
Autour de Tulle, les médecins ne manquent pas encore, mais 30 % d’entre eux vont partir dans les cinq ans. Deux médecins roumains sont venus mais ne sont pas restés. Un projet de maison de santé sur le plateau corrézien a capoté en raison de bisbilles entre les communes. En alerte, la communauté d’agglomérations travaille à rendre le territoire attractif. Des appartements sont mis à disposition des internes et des remplaçants. Le Dr Arnaud Collignon, ancien chef des urgences de Tulle et maire (PS) de Charnac-les-Mines, est modérément optimiste : « Il n’y aura pas de coup de baguette magique pour faire venir des praticiens. Certains projets de maisons médicales auront du mal à vivre, à Égletons par exemple, car il n’y a pas de volonté médicale préalable ».
Trois hôpitaux en Corrèze.
La faculté de Limoges voit une majorité des médecins qu’elle forme quitter la région. « Ni la coercition, ni l’argent mis sur la table ne régleront le problème, reprend Arnaud Collignon. Beaucoup d’élus ont du mal à le comprendre. Un maire des environs vient de recruter un 6e couple pour tenir le restaurant communal. Avec les médecins, il ne pourra jamais faire cela ». Ce qu’il attend de Hollande ? Pas grand-chose : « Il n’y a pas forcément de réponse politique à apporter à la crise que traverse le corps médical ». L’idée d’une fédération chirurgicale entre les trois hôpitaux de la Corrèze se heurte au refus de certains praticiens. « Le politique ne peut pas l’imposer. Je ne pense pas que la Corrèze, grâce à François Hollande, soit un bassin protégé », déclare le maire socialiste.
Marie-Claude Ripert, de la coordination de défense des petits hôpitaux, regrette que François Hollande n’ait jamais pris le taureau par les cornes pour aider les trois hôpitaux de Corrèze à se repositionner. « Il nous avait promis une réunion en 2010, on l’attend encore ».
Pour le Dr Françoise Caumeil, anesthésiste à Tulle, deux hôpitaux distants de 30 km, à Tulle et Brive, fonctionnant à flux tendu, est « une ineptie ». « Il faudrait en construire un à mi-chemin, mais les élus freinent ». Les syndicats également. Un autre PH du centre hospitalier de Tulle indique que François Hollande, quand il était aux affaires localement, ne s’est jamais prononcé sur le projet, car « la délocalisation d’un hôpital est difficile à assumer ». L’installation de l’IRM et le recrutement de chirurgiens ? « Je préférerais des actions de long terme, conclut ce PH. La T2A nous a mis dedans. Depuis six mois, je n’ai rien vu de rassurant au niveau de la politique de santé. Il faudra pourtant bien que les jeunes acceptent de travailler quelques années là où on manque de médecins ».
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