À 20 KM DE L’Aiguillon-sur-mer, une trentaine de La Faute-sur-mer et de la Tranche-sur-mer, les trois localités vendéennes les plus exposées aux ravages de la tempête Xynthia, c’est le CH de Luçon qui a réagi le premier, proximité oblige. « Dès le début de la nuit de samedi à dimanche, nous avions été placés en alerte rouge, raconte le Dr Claudie Audrain, responsable de l’unité urgence-SMUR, avec instruction de limiter les déplacements au minimum et d’annuler les transferts. À 4 heures du matin, un premier bilan ne signalait quasiment aucun mouvement, hormis les interventions des pompiers. En fait, notre première sortie SMUR n’est intervenue qu’au petit matin, pour un bébé de 15 jours en hypothermie. C’est alors que j’ai découvert des gens quasiment nus entassés dans un gymnase, en état de choc. Certains présentaient des plaies des membres inférieurs, avec risque de surinfections dans l’eau saumâtre. Beaucoup souffraient d’hypothermie. Tous avaient vu la mort de près. Un de nos collègues urgentistes venait de perdre sa femme, son fils et sa mère, emportés par les eaux en sa présence. »
« Nous avons été plongés dans un scénario catastrophe d’autant plus angoissant, explique le Dr Philippe Fradin, chef du service SAMU-centre 15 de La Roche-sur-Yon, le CH de référence, qu’en raison de la neutralisation des portables, GSM et téléphones satellitaires, les liaisons radios continuant seules à fonctionner, nous étions privés de toute visibilité à l’avant. Contrairement à ce qui passe avec une catastrophe ferroviaire ou autre, il n’était pas possible de circonscrire le "chantier" (zone déterminée d’un sinistre en médecine de catastrophe, NDLR). Et nous prenions les nouvelles de plein fouet, avec les témoignages plus que poignants des rescapés : cette personne qui avait de l’eau jusqu’au menton et dont la tête touchait le plafond, sauvée in extremis , cette grand-mère en train de tenir son petit-fils par la main, qui tout-à-coup l’a lâché et vu disparaître. » Sur les 700 réfugiés, la plupart repliés sur eux-mêmes, incapables de verbaliser les événements, 85 ont été orientés vers le PMA (poste médical avancé) et 35 dirigés vers le CH. Le s psychologues de la CUMP (cellule d’urgence médico-psychgologique) se relayaient en particulier auprès de beaucoup de personnes âgées conduites par les équipes de la Sécurité civile, des pompiers et de la Croix-Rouge.
Le logiciel SAMU craque.
En Charente-Maritime, alors que les CH de Rochefort et de Royan étaient moins touchés, le CH de La Rochelle a accueilli 85 patients héliportés en l’espace de quelques heures, 74 d’entre eux, victimes de submersion simple, ne nécessitant pas d’admission. « Mais le gros souci, confie le Dr Francis Mounios, chef du SAMU-centre 15, est venu du logiciel SAMU qui s’est mis en rideau. Du coup, toutes les procédures ont été gérées en papier. Nous avons pu amortir le premier coup, ajoute-t-il, grâce au fonctionnement extrêmement solidaire des personnels. Ceux qui étaient de garde de nuit sont restés le jour suivant, plusieurs médecins et soignants n’étant pas en mesure de rejoindre le service. »
C’est la suite qui s’annonce maintenant problématique, pronostique le Dr Mounios : « Par exemple, explique-t-il, je viens d’examiner une patiente qui se plaint d’une douleur thoracique intercurrente et dont un proche est décédé. Outre le contre-coup psychologique, beaucoup de patients chroniques vont souffrir, comme ceux dont les respirateurs, machines à oxygène et à dialyse ne fonctionnent plus. Nous pouvons aussi redouter les chutes des toits et les accidents des bricoleurs, comme après la tempête de 1999. »
Pour le Dr Audrain, « ce sont surtout des personnes âgées polyhandicapées et atteintes de pathologies chroniques, très nombreuses dans le département, qui risquent de décompenser dans les prochains jours. Avec des services d’intervention à domicile débordés, un service de médecine de 50 lits saturé en permanence, la prise en charge s’annonce cruciale. »
Cette gestion médicale quotidienne va être aussi délicate que diversifiée, confirme le Dr Fradin, qui redoute notamment des perturbations en lien avec les réseaux d’eau potables défaillants, ou des sevrages médicamenteux à risque, notamment chez les toxicomanes.
Au CH de La Rochelle, en prévision du deuxième round hospitalier, la direction a mis lundi à l’étude la déprogrammation des interventions, pour les dix jours à venir.
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