QUEL MODE D’ACHAT pour son local professionnel ? Si l’on avait posé la question il y a quelques années, l’avis des spécialistes aurait été unanime : il fallait faire une société civile immobilière (SCI) qui cumulait pratiquement tous les avantages ! Mais depuis cinq ans, la fiscalité a énormément changé et désormais, la réponse n’est pas aussi simple.
Indiquons pour commencer que si vous envisagez d’acheter un local professionnel à plusieurs praticiens, la société civile immobilière s’impose pour des raisons de sécurité juridique. L’indivision présente en effet de nombreux inconvénients, notamment l’absence de règles de fonctionnement et de règlement des litiges, et surtout le fait que nul ne peut être contraint de rester dans l’indivision… ce qui permet à l’indivisaire de demander le partage quand il le souhaite.
Nous nous attacherons donc au médecin qui veut acheter un local tout seul. Trois solutions s’offrent à lui :
- l’acheter dans son patrimoine privé,
- l’acheter dans son patrimoine professionnel,
- l’acheter par l’intermédiaire d’une société civile immobilière.
L’achat dans le patrimoine privé et la location à soi-même présentant encore des zones d’incertitude, nous nous en tiendrons à la comparaison entre l’achat dans le patrimoine professionnel et celui effectué par l’intermédiaire d’une SCI. Signalons au préalable que les indications que nous donnons le sont en fonction des règles fiscales actuelles. Règles qui ont la fâcheuse tendance à être modifiées en permanence ! Or l’achat d’un local professionnel se fait en général pour de nombreuses années. Que seront devenues les lois actuelles dans vingt ou vingt cinq ans ? Bien malin qui peut le dire…
• Les frais d’achat
Les droits d’enregistrement et les frais de notaire sont déductibles si vous achetez dans votre patrimoine professionnel, ils ne le sont pas si c’est une SCI qui achète.
Cela aura peu d’impact si vous achetez du neuf mais ce sera plus gênant pour l’ancien. Ainsi, pour un local de 200 000 euros, ce seront environ 15 000 euros que la SCI ne pourra pas déduire.
Les frais de constitution de la SCI ne sont pas déductibles.
• L’amortissement
Si vous achetez votre local dans votre patrimoine professionnel, vous pourrez pratiquer un amortissement correspondant à 2 à 2,5 % du prix d’achat pendant 40 à 50 ans. Il n’y a aucun amortissement si vous achetez en SCI.
Avant la réforme de 2007, les SCI pouvaient déduire un abattement égal à 16 % des loyers annuels au titre de l’amortissement. Mais cet abattement a été supprimé en même temps que l’abattement de 20 % sur les salaires.
La SCI permet bien de déduire un loyer sur la déclaration 2035 mais il faut ensuite déclarer ce loyer en tant que revenu foncier. L’opération est donc neutre.
Avantage là encore à l’achat dans le patrimoine professionnel.
• Les intérêts d’emprunt
Ils sont déductibles dans les deux cas, que ce soit du résultat de la SCI ou sur la 2035. Léger avantage toutefois à l’achat dans le patrimoine professionnel puisque les intérêts déduits sur la 2035 diminuent non seulement l’impôt sur le revenu mais également les charges sociales.
• Les plus-values
Le local acheté dans le patrimoine professionnel suit le régime des « plus-values professionnelles » alors que les SCI sont soumises au régime des « plus-values des particuliers ».
Dans le régime des plus-values professionnelles, la plus-value est égale à la différence entre le prix de vente et la valeur comptable du bien, cette valeur comptable étant elle-même égale à la différence entre le prix d’achat et les amortissements pratiqués.
La plus-value est dite « à court terme » jusqu’à hauteur des amortissements pratiqués et « à long terme » au-delà.
Pour simplifier, les amortissements pratiqués constituent la plus-value à court terme qui va s’ajouter au bénéfice de l’année de réalisation de la plus-value et sera donc soumise à l’impôt sur le revenu. La différence entre le prix de vente et le prix d’achat représente la plus-value à long terme, taxée actuellement à 16 % plus les prélèvements sociaux de 15,5 %, soit au total 31,5 % !
Toutefois, il existe des exonérations de plus-value, la plus importante étant liée aux recettes réalisées. Si la moyenne de vos recettes des années N – 2 et N – 1 (l’année N étant l’année de réalisation de la plus-value) est inférieure à 90 000 euros, toutes vos plus-values, qu’elles soient à court ou à long terme sont exonérées.
En dehors de ce cas, les plus-values à long terme provenant de la cession du local professionnel bénéficient d’un abattement selon la durée de détention du local qui aboutit à une exonération totale au bout de 15 ans. L’abattement est en effet de 10 % par année de détention au-delà de la cinquième année. Mais, rappelons-le, cette exonération ne vaut que pour la plus-value à long terme et non pour la plus-value à court terme qui subit des prélèvements très importants. Comme elle s’ajoute au bénéfice fiscal, elle est soumise non seulement à l’impôt sur le revenu mais également aux charges sociales personnelles ! On peut estimer que, dans certains cas, ces prélèvements peuvent atteindre 60 à 65 % de la plus-value.
Le régime des « plus-values des particuliers » qui s’applique aux SCI vient de perdre une grande partie de son intérêt. Jusqu’à maintenant, ce régime aboutissait à une exonération totale de plus-value au bout de quinze ans. D’où le succès des sociétés civiles immobilières, cette durée correspondant très souvent au temps de détention du cabinet médical. Même si le régime fiscal des SCI présentait de légers inconvénients, on était toujours gagnant en fin de compte.
Désormais, le nouveau système d’abattement rend le régime beaucoup moins intéressant. On continue toujours par majorer le prix d’achat du bien de 7,5 % pour tenir compte des frais de notaire, puis de 15 % pour ajouter forfaitairement les travaux, si l’on a conservé le local plus de cinq ans. On peut également ajouter le montant réel des travaux s’il est supérieur et si l’on a les factures.
En enlevant le résultat obtenu du prix de vente du bien, on obtient la plus-value qui subit alors un abattement en fonction de la durée de détention. L’abattement est de :
- 2 % par année de détention au-delà de la 5ème année,
- 4 % par année de détention au-delà de la 17ème année
- 8 % par année de détention au-delà de la 24ème année.
On aboutit donc à une exonération totale au bout de trente ans… et comme on le voit, l’abattement est très faible les vingt premières années de détention.
Sur ce point, il y a donc égalité.
• La réalisation de la plus-value
Pour qu’une plus-value soit imposable, il faut qu’elle soit « réalisée ». Or, là encore, il y a de grandes différences entre les deux options d’achat.
Lorsqu’on achète le local dans son patrimoine professionnel, c’est-à-dire dans le régime des plus-values professionnelles, la plus-value est réalisée dès lors que le bien sort du patrimoine professionnel, même s’il n’est pas vendu. Il peut s’agir par exemple de la reprise dans le patrimoine privé pour y habiter, de la mise en location à un successeur, de la donation à un enfant, etc. Mais la réalisation de la plus-value peut provenir également de la disparition de son patrimoine professionnel, soit volontairement, lorsque l’on prend sa retraite ou que l’on cesse son activité libérale, soit involontairement, en cas de décès, d’invalidité ou de maladie. D’où dans ces derniers cas, l’obligation de vendre le local, même si on ne le souhaitait pas ou si cela se fait dans de mauvaises conditions.
La SCI ne présente pas cet inconvénient. Dans son régime, la plus-value n’est imposable que lorsqu’elle vend le local professionnel ou lorsque vous vendez vos parts de la SCI. Tant que la SCI conserve le local et tant que vous gardez vos parts, il ne se passe rien. Vous pouvez donc sans aucune conséquence fiscale reprendre le bien pour l’occuper ou pour le mettre en location.
Il y a donc un net avantage cette fois pour la SCI
En conclusion, on voit qu’il est difficile maintenant de prendre une position tranchée sur le meilleur mode d’achat de son local professionnel. D’autant que d’autres éléments, personnels ou conjoncturels, peuvent entrer en ligne de compte. Si, par exemple, le prix de l’immobilier augmente peu – ou pas ! – les prochaines années, cela favorise le choix de la SCI puisque les plus-values des particuliers ne sont imposées que si elles existent vraiment ! Et si vous pensez que vos recettes seront proches de 90 000 euros quand vous prendrez votre retraite, vous pouvez opter pour l’achat dans le patrimoine professionnel, profiter de toutes les déductions et échapper à la plus-value. À condition, bien sûr, que la limite de 90 000 euros ne soit pas revalorisée d’ici là…
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