Après la remise du rapport ad hoc fin janvier, le ministre de la Santé a annoncé à quelques jours des ECN les dispositions qui seront mises en application dès cette année, entraînant de facto une quatrième année de DES en novembre 2026 pour la promotion qui va commencer son internat en novembre 2023.
Soutenir sa thèse avant la quatrième année
Il ne s’agira pas seulement d’ajouter une année supplémentaire. Cet allongement de la durée du DES entraîne avec elle de gros bouleversements. L’interne de quatrième année, quelle que soit la spécialité, a le statut de Docteur Junior. Ce statut lui permet de réaliser des actes en autonomie supervisée notamment. Pour obtenir ce statut, l’interne doit obligatoirement avoir soutenu sa thèse. En d’autres termes, les internes de médecine générale qui vont commencer leur internat dans quelques mois devront obligatoirement avoir soutenu leur thèse avant fin octobre 2026, là où leurs collègues d’année supérieure auront encore une mesure dérogatoire leur permettant de soutenir la leur jusqu’en fin octobre 2028.
Il s’agira aussi d’apprendre à ces Docteurs Juniors la médecine ambulatoire et le travail en exercice coordonné, comme dans les maisons de santé pluriprofessionnelles par exemple. Pour cela, la réforme prévoit que le Docteur Junior devra réaliser son année supplémentaire dans un cabinet où exerce déjà un autre médecin généraliste.
Il s’agira également de leur montrer que les patients les plus âgés sont malheureusement souvent les plus fragiles et vulnérables et qu’ils souffrent souvent de multiples pathologies simultanées qui complexifient la façon de leur apporter du soin. Il faudra leur montrer que les patients ayant une activité professionnelle, sont de plus en plus vite usés par les cadences de travail infernales et que leur accorder un arrêt de travail n’est pas signe de complaisance quand la fatigue est physique et/ou mentale, quoi qu’en disent les responsables du patronat. Il faudra aussi leur dire que, oui, l’Assurance-Maladie n’est pas à une injonction paradoxale près lorsqu’elle nous demande de veiller à la santé de la population, de dépenser au mieux et au plus juste, tout en mettant certains d’entre nous sous surveillance de leurs prescriptions pour un simple délit statistique.
Il s’agira de leur expliquer que cette même Assurance-Maladie ne peut pas tout rembourser et que, pire encore, elle commence à moins bien rembourser certains soins, arguant un rééquilibrage financier, mais faisant ainsi porter la charge des mêmes remboursements sur des mutuelles dont nos patients auront toujours plus de mal à supporter la charge financière croissante.
Des maîtres de stage pour leur transmettre l'amour du métier
Il s’agira d’apprendre à ces Docteurs Juniors, grâce à des maîtres de stage qui auront à cœur de veiller à leur transmettre l’amour du métier, les principes de la médecine ambulatoire, les tenants et les aboutissants de l’exercice libéral quand ils le choisiront. Il s’agira aussi de leur dire que certains de ces maîtres de stage leur donneront des cours à la Faculté de médecine. Mais nous ne pourrons occulter le fait que la mise en place de cette quatrième année s’est faite sans aucune annonce de création de poste d’enseignant de médecine générale, titulaire comme associé, ni de grand plan en faveur du recrutement de nouveaux maîtres de stage, encadrants du quotidien.
Malgré tout cela, il s’agira de leur apprendre à se préserver, quoi qu’il en coûte, des sirènes de la médecine kleenex et fast-food que certains aimeraient instaurer dans notre pays. Il s’agira aussi de leur apprendre à refuser qu’on les traite de fainéants, et à accepter que prendre du repos, des loisirs ou du temps en famille n’a rien de culpabilisant.
Il s’agira de leur montrer que la médecine générale peut travailler avec d’autres professions du soin sans avoir peur que l’autre ne nous prive de notre métier. Il s’agira de leur dire qu’ils ont bien fait d’avoir choisi cette spécialité après leurs examens classants, et qu’unis, les généralistes représentent la moitié des médecins de France. Que leur voix peut porter sur certains sujets lorsqu'ils parlent à l’unisson, sans avoir à s’opposer aux autres spécialités, mais plutôt en évoluant de concert avec elles, tant ces mêmes spécialités sont au final complémentaires pour le patient, qui restera toujours notre seule préoccupation.
Il s’agira de leur dire qu’ils sont montés sur ce beau bateau qu’est la médecine générale, un jour de grand vent alors que les prévisionnistes ont émis un avis de tempête. Mais peut-être qu’en 2026, nous pourrons expliquer comment les pouvoirs publics l’auront évitée de justesse par la revalorisation de notre métier en termes de moyens humains autant que financiers…
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