Risque de guerre nucléaire : que font les professionnels de santé ?

Publié le 06/10/2023
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Vu par le Dr Hervé Maisonneuve - Les professionnels de santé devraient mieux informer le public et les décideurs sur les risques nucléaires. C'est l'appel lancé par plus de 100 revues médicales dans un éditorial cet été.

Crédit photo : DR

Un éditorial publié simultanément par plus de 100 revues médicales m’a fait prendre conscience du rôle des professionnels de santé dans le risque nucléaire. L’éditorial a été signé par des rédacteurs en chef des plus prestigieuses revues : The Lancet, The Journal of the American Medical Association, The British Medical Journal, The New England Journal of Medicine, etc.

Moins d’armes, mais le risque augmente

Les professionnels de santé, dans les années 1980, période de la guerre froide, ont suivi les initiatives des physiciens. La création par des médecins américains et russes de l’Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire (connue sous l’acronyme anglais IPPNW) a marqué ces années. Les initiatives pour éduquer le public et les décideurs ont été nombreuses et si bien perçues que le prix Nobel de la paix a été attribué en 1985 à l’IPPNW. En 2007, avec d’autres organisations, l’IPPNW a contribué au lancement d’une campagne pour abolir les armes nucléaires. Ces initiatives ont conduit en 2017 à la signature à l’ONU du traité sur l’interdiction des armes nucléaires. Un prix Nobel de la paix a été attribué en 2017 à l’International coalition to abolish nuclear weapons (ICAN). De 60 000 armes dans les années 1980, nous sommes descendus à moins de 13 000 de nos jours ! Pourtant, le risque nucléaire a probablement augmenté dans le monde…

90 secondes entre la décision et la catastrophe

Deux nations possèdent 90 % des armes nucléaires, et n’ont pas renoncé à les utiliser. Depuis 1947, les membres du Bulletin of the Atomic Scientists actualisent en janvier une horloge appelée Minutes jusqu’à minuit (« Doomsday clock »). Cette horloge propose de mesurer la probabilité d’une catastrophe globale causée par l’homme. La catastrophe est représentée par minuit et les facteurs importants sont les risques nucléaires et le changement climatique. En 1947, l’horloge indiquait sept minutes avant minuit. En 1991, c’était 17 minutes, et en 2023, 90 secondes. Les catastrophes seraient immenses : 250 armes pourraient tuer 120 millions de personnes et avoir des conséquences climatiques avec des famines concernant deux milliards de personnes. Une grande guerre entre les Américains et les Russes pourrait tuer 200 millions de personnes, et provoquer un « hiver nucléaire » mondial qui entrainerait la mort de cinq à six milliards de personnes, mettant ainsi en péril l’humanité !

Les professionnels de santé doivent alerter le public et les décideurs sur les risques d’une guerre nucléaire. L’élimination des armes nucléaires n’est pas compliquée ; c’est la décision politique qui est compliquée. Le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) engage chacune des 190 nations participantes à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires. Le TNP semble en panne car, en 2022, aucune déclaration n’a été adoptée lors de la dernière conférence.

Réduire les risques à court terme

L’éditorial des rédacteurs de revues médicales a été traduit en français par l’Association des médecins français pour la prévention de la guerre nucléaire (AMFPGN), affiliée à l’IPPNW. En bref : « Nous demandons maintenant aux associations de professionnels de la santé d’informer leurs membres dans le monde entier de la menace qui pèse sur la survie de l’humanité et de se joindre à l’IPPNW pour soutenir les efforts visant à réduire les risques de guerre nucléaire à court terme, y compris trois mesures immédiates de la part des États dotés d’armes nucléaires et de leurs alliés : premièrement, adopter une politique de non-recours en premier ; deuxièmement, retirer leurs armes nucléaires de l’état d’alerte permanente ; et troisièmement, exhorter tous les États impliqués dans des conflits actuels à s’engager publiquement et sans équivoque à ne pas utiliser d’armes nucléaires dans le cadre de ces conflits ».

Je constate, mais peut-être suis-je mal informé, que ces initiatives ont peu d’écho parmi mes collègues. Je ne connais pas de revue médicale française qui ait publié cet éditorial. Rendons hommage à des revues de langue française qui vont publier cet éditorial : La Tunisie Médicale, Les Annales africaines de médecine, et le Journal de la faculté de médecine d’Oran. Il n’est jamais trop tard pour que des revues françaises s’engagent et publient cet éditorial.

https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(23)0152…
https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMp2308547
http://www.amfpgn.org/

Dr Hervé Maisonneuve

Source : Le Quotidien du médecin