LE QUOTIDIEN : Quelles sont les conditions d’une réponse européenne efficace en cas d’émergence de nouveaux pathogènes ?
HERVÉ RAOUL : Vaste question ! Premièrement, et même si cela peut paraître évident, il faut s’y préparer en finançant des travaux de recherche qui permettront de développer des contre-mesures au moment de la crise. Cela implique d’identifier les pathogènes à risque et de développer des moyens diagnostiques, prophylactiques et thérapeutiques.
Au-delà de ces aspects purement médicaux, il faut mener des recherches en santé publique et des sciences humaines et sociales, afin de fournir des arguments objectivés aux décideurs. Il faut des infrastructures prêtes à basculer en « mode crise » incluant des réseaux d’essais cliniques avec des procédures standards et partagées par tous. Dernier aspect et non des moindres : il faut échanger en amont avec les autorités de réglementation.
Tout cela a été mis en défaut lors de la pandémie de Covid-19. Avant qu’elle ne survienne, les investissements en recherche fondamentale en infectiologie ou sur les pathogènes émergents n’étaient pas à la hauteur. Il existe des pathogènes pour lesquels on ne dispose pas du tout de contre-mesures. C’était une chance que les vaccins ARN étaient déjà en développement.
Les priorités sont les viroses respiratoires, les arboviroses et les fièvres hémorragiques
Quelles familles de pathogènes retiennent votre attention ?
C’est une question très glissante ! Un travail a été fait par l’OMS et qui est utilisé dans le cadre des consortiums collaboratifs de science ouverte (CORC) pour établir des listes de priorités de recherche adaptées à chaque famille de pathogènes.
Aujourd’hui, les priorités les plus évidentes sont les viroses respiratoires, les arboviroses et ensuite les fièvres hémorragiques, mais on n’exclut pas un certain nombre de bactéries, parasites et champignons pour lesquels il manque beaucoup d’informations.
Les considérations éthiques divergent-elles entre les pays ?
Plus que des considérations éthiques, il y avait, sur le fond, un problème culturel. La mise en place de consortiums pluridisciplinaires n’entrait pas dans la culture globale européenne. Ce qui a pêché pendant la pandémie, c’est le manque de coordination et de définition des priorités. Mais la situation n’est plus la même, la communauté est capable de trouver un consensus pour que tout le monde travaille dans le même sens.
Comment Be Ready prépare-t-il aux futures émergences ?
Ce partenariat va fonctionner par appels à projets successifs, destinés à établir des collaborations et des réseaux de chercheurs en Europe. Les contenus de ces appels sont prévus avec l’accord de tous les pays participants dans un agenda de recherche et d’innovation. Il permettra la mise en place de grands réseaux d’infrastructures, notamment de plateformes d’essais cliniques, capables de basculer en mode de crise.
Le financement est d’ores et déjà prédéfini, avec 50 millions provenant des États et 50 millions fournis par la commission. Cet argent alimentera la première phase de trois ans du partenariat, on espère que des sommes similaires nous seront accordées pour la seconde qui durera quatre ans supplémentaires.
Des étapes importantes ont été franchies dans la phase préparatoire. Dans ce cadre, nous avons soumis à la Commission européenne une proposition de partenariat et nous devrions entrer dans la phase opérationnelle le 1er janvier 2026
Comment les bases de données et l’IA peuvent-elles accélérer la recherche ?
Il est impératif que nous améliorions très nettement la recherche préclinique pour disposer de candidats de traitements et de vaccins à tester chez l’homme au moment de l’émergence. Pour cela, la mise en commun des bases de données est une tâche essentielle. Quant à l’IA, il va falloir se rapprocher des spécialistes européens pour adapter les algorithmes aux maladies émergentes. Il y a un vrai potentiel en Europe.
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