C’est l’un des grands axes du plan de maîtrise du déficit des finances publiques présenté mardi 15 juillet 2025 par François Bayrou. À la recherche de 5,5 milliards d’euros d’économies dans les dépenses de santé (sur un effort global de près de 44 milliards d'euros pour 2026), le Premier ministre a indiqué qu’il souhaitait « mettre fin à une dérive » des arrêts maladie.
Le locataire de Matignon a argumenté en utilisant une donnée qui n’a pas manqué d’étonner plusieurs médecins contactés par Le Quotidien. « Les contrôles qui ont été exécutés sur les arrêts maladie de plus de 18 mois ont montré que pour 50 % d'entre eux, ces arrêts de travail n'étaient plus justifiés », a assené François Bayrou pour justifier son plan en faveur de l’encadrement de la prescription et du suivi des arrêts de travail.
Cet argument sert une mesure qui clive déjà fortement la communauté médicale : la possibilité pour le salarié en arrêt depuis plus de 30 jours de reprendre le chemin du travail sans voir le médecin du travail. « À l’exception des maladies professionnelles et des accidents du travail, on dira que c'est le médecin généraliste ou spécialiste qui déterminera la possibilité de reprise du travail », a précisé François Bayrou.
La volonté du gouvernement de lutter contre « l’explosion » des arrêts maladies, poste de dépenses qui augmente de 6,3 % par an depuis 2019 selon les données de la Cnam, n’est pas nouvelle. Pour assurer son propos, Matignon a pioché dans le travail d’analyse du dernier rapport « charges et produits » de l’Assurance-maladie sur la question de l’encadrement des indemnités journalières de longue durée qui ne sont pas le fait de personnes en ALD.
Précisément, c’est dans la présentation qui a été faite à la presse de ce rapport que l’on retrouve la donnée reprise par François Bayrou. « Des contrôles médicaux ponctuels sur les arrêts de plus de 18 mois ont montré que 54 % des arrêts concernés par ces contrôles n’étaient plus justifiés », lit-on effectivement. Or, la Cnam précise bien que ces arrêts qui ne sont plus justifiés peuvent certes se poursuivre par « la possibilité d’une reprise du travail pour le salarié », comme le souhaite le gouvernement, mais aussi par « un passage en invalidité ». Une petite subtilité que l’on ne retrouve pas dans le discours du Premier ministre.
La « dépression légère », première cause d’arrêts longs
À la différence des remboursements de soins, la croissance des indemnités journalières de plusieurs mois est principalement portée par des personnes qui ne souffrent pas d’une ALD. En 2013, le nombre de jours indemnisés des personnes en ALD représentait 40 % des IJ contre 33 % en 2024, indique la Cnam.
Au-delà de six mois, ces IJ relèvent du dispositif des ALD « non exonérantes », c’est-à-dire qui n’ouvre pas droit à une exonération du ticket modérateur des frais de santé. Le nombre de ces arrêts longs augmente chaque année de plus de 6,4 % alors que ceux des ALD ne sont en hausse que de 0,9 % par an.
Les principales pathologies couvertes sont celles liées à la « dépression légère » (33 % de ces situations) et aux troubles musculosquelettiques (32 %), selon la Cnam. Les dépenses d’IJ liés à l’ensemble de ces arrêts de plus de six mois représentent 3,17 milliards d’euros en 2023. C’est trois fois celles des personnes en ALD.

À la recherche de l’efficacité médico-économique
Si François Bayrou a d’ores et déjà mis sur la table son idée relative à la médecine du travail, d’autres ont été avancées par plusieurs acteurs du secteur, la Cnam en tête. Évoquant les arrêts de plus de 18 mois, la Cnam le reconnaît : « Ces arrêts de très longue durée sans suivi médical se traduisent mécaniquement par une forte désinsertion professionnelle. »
Pour enrayer cette dynamique, l’Assurance-maladie veut, à l’instar de Matignon, encadrer davantage la prescription dans le cadre de ce qu’elle appelle la recherche de « nouvelles conquêtes d’efficacité médicoéconomique ». Le rapport « charges et produits » est truffé de recommandations en la matière.
Parmi elles : rendre les motifs d’arrêt obligatoires et limiter la durée de l’arrêt prescrit (en primo prescription 1 mois en sortie d’hôpital et 15 jours en ville, puis par tranche de deux mois maximum) ; supprimer le régime dit des ALD non exonérantes au profit des deux régimes de droit commun (ALD ou non ALD) et renforcer les actions de prévention de la désinsertion professionnelle ; développer la prescription de temps partiel thérapeutique « lorsque cela est possible » pour favoriser le retour à l’emploi.
Ne plus attendre « deux ou trois ans » pour agir
Concernées au premier chef, les entreprises ont elles aussi déposé leurs contributions au débat public par la voix du Medef. Le patronat entend « amorcer dès six mois d’arrêt et au plus tard après un an pour certaines pathologies une première démarche de prévention de la désinsertion professionnelle ».
Droit dans ses bottes, le Medef assume : « Il s’agit de ne pas attendre deux ou trois ans comme cela se pratique aujourd’hui. » Comment ? En proposant aux complémentaires santé par délégation de l’Assurance-maladie obligatoire de « piloter dans les entreprises ces initiatives visant à assurer le bon retour (…) du salarié » en coordination avec la médecine du travail.
François Bayrou l’a précisé : son plan de maîtrise du déficit des finances publiques n’est pas un produit fini mais bien un « préambule » à un « travail de refondation » global. Comment se traduira concrètement cette « lutte » contre les arrêts jugés abusifs et « évitables », aux dires du Medef ? Quelles mesures relèveront du budget de la Sécurité sociale pour 2026, que les parlementaires doivent concocter à l’automne en respectant le cadrage de Matignon ? Quelles mesures seront d’ordre réglementaire ou conventionnel ? Tout reste à faire.
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