La première année du « Dry January », en 2020, a été considérée comme un succès par les associations et sociétés savantes organisatrices de la campagne, avec près de 9 000 participants inscrits sur le site dédié. Un chiffre qu'ils comparent aux 4 000 participants de la première édition britannique de 2013. Le 11 janvier 2021, le site internet fait état de 7 400 nouveaux inscrits supplémentaires au défi pour l'édition 2021 et de 9 000 utilisateurs de l’application.
Ce résultat a été obtenu sans l'aide des pouvoirs publics. À l’origine, l'initiative était partagée par l'agence Santé publique France, les associations et les sociétés savantes qui avaient travaillé ensemble au lancement de cette campagne une partie de l'année 2019. Le 14 novembre, le président de la République, qui avait déjà pris plusieurs fois partie pour les intérêts viticoles, promet lors d'un déjeuner avec les responsables du Comité Champagne qu'il s'opposerait à la tenue du « Dry January ».
« C'est le lobby lui-même qui avait annoncé que l'opération était annulée », se souvient avec aigreur le Dr Bernard Basset, vice-président de l'association Addictions France. L'initiative est reprise par les associations gonflées à bloc. « Il y a encore 20 ans, on n'aurait pas pu prendre ce genre d'initiative sans provoquer une levée de boucliers dans l'opinion », analyse-t-il, actant d'une divergence entre une volonté politique encore largement en phase avec les lobbies viticoles, et une opinion publique désormais plus sensible aux risques et dommages liés à la consommation d'alcool.
Pour de nombreux acteurs du champ de la lutte contre les addictions, le retrait du gouvernement aurait même aiguillonné le grand public. « Au final, c'était sans doute la meilleure des publicités qu'il pouvait nous faire », s'est amusé lors d'un entretien accordé au « Quotidien », le Pr Amine Benyamina, président du Fonds actions addictions et de la Fédération française d'addictologie.
Une opinion publique mieux sensibilisée
Le Dr Basset rapproche l'affaire du « Dry January » à une autre actualité récente : en juillet 2019, un tiers du groupe majoritaire LREM à la chambre des députés a déposé une proposition de loi pour financer le sport par les publicités pour l'alcool et autoriser la vente d'alcool dans les stades. « C'était destiné à en finir avec l'interdiction du sponsoring sportif pour des producteurs d'alcool inscrits dans la loi Evin », juge le Dr Basset.
Le monde associatif se mobilise, sans se faire d'illusion. « Avec la Coupe du monde de rugby 2023 et les Jeux olympiques de 2024, tous deux organisés par la France, les enjeux économiques étaient énormes, explique-t-il. Les parlementaires ont utilisé les éléments de langage habituels, prétendant qu'ils n'attaquaient pas la loi Evin, mais voulaient promouvoir le sport. On s'attendait à une nouvelle défaite, mais c'est devenu un débat dans l'opinion : faut-il financer le sport aux dépens de la loi Evin ? ». À la surprise du Dr Basset, le gouvernement décide, en août, de ne pas soutenir la proposition de loi qui est abandonnée.
« Pour ce dossier aussi, je pense que notre victoire a été rendue possible car le regard de la société sur l'alcool a changé, conclut le Dr Basset. On a toujours besoin d'un encadrement de la loi Evin pour éviter que l'opinion soit modelée par la promotion des alcooliers. »
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