Plusieurs études randomisées de grande ampleur ont montré que les bisphosphonate (BP) à forte dose étaient efficaces pour diminuer le risque de métastases et de décès après un cancer du sein (CS). Un travail antérieur parmi 450 patientes suggérait l’efficacité de doses plus faibles de BP (posologies utilisées pour prévenir l’ostéoporose).
Présentée cette année lors la SFR, une étude prospective, observationnelle et longitudinale, bi-centrique, a analysé le devenir à 10 ans de 1 057 femmes atteintes d’un CS selon qu’elles avaient reçu soit de la vitamine D (449 patientes), soit l’association vitamine D et BP (308), soit aucun de ces traitements (300). L’étude concernait uniquement le type le plus fréquent de CS : luminal non métastatique (avec récepteurs aux œstrogènes positifs, RE+). Toujours traité par antiaromatases, il présente un risque de métastases et de décès par cancer de 12 à 25 %. Il a la particularité de récidiver parfois tardivement, jusqu’à 10 à 15 ans après la chirurgie, d’où l’intérêt d’avoir un recul de 10 ans. Les patientes sont fréquemment vues par le rhumatologue du fait des complications ostéoarticulaires des traitements oncologiques (ostéoporose, arthralgies).
Une réduction significative du risque
Les résultats sont nets. Sans thérapeutique osseuse, on observe 16,7 % de rechutes et 8,3 % de décès par CS, sous vitamine D seule, 13,6 % de rechutes et 6,2 % de décès par CS, et enfin sous BP et vitamine D, 9,7 % de rechutes et 4,5 % de décès par CS. Ce sont clairement les BP qui protègent vis-à-vis des rechutes, la vitamine D ayant un rôle marginal. L’analyse multivariée selon le modèle de Cox confirme que le risque de rechute et de décès est divisé par deux chez les patientes recevant un BP.
Le grand nombre de femmes incluses a permis d’analyser les résultats selon les caractéristiques de la patiente, celles de la tumeur, le type et la dose de BP et selon la densité minérale osseuse (DMO). L’analyse en sous-groupes montre que l’efficacité des BP est identique par voie orale ou intraveineuse, et quelle que soit la DMO fémorale. En effet, les BP avaient été prescrits par le rhumatologue, soit en raison d’une ostéoporose densitométrique soit dans des DMO intermédiaires pour des antécédents de fractures. Les BP préviennent les rechutes du CS, que le Tscore soit ou non inférieur à – 2. En revanche, ces résultats ne concernent que les patientes ménopausées : l’efficacité des BP n’a pas été démontrée chez les femmes jeunes qui restent en préménopause après le traitement du cancer.
Changer les pratiques oncologiques
Aucune ostéonécrose de la mâchoire, ni fracture atypique n’ont été observées dans cette étude ; des résultats qui ne peuvent que rassurer les cancérologues.
La société américaine d’oncologie clinique et un position paper européen recommandent de proposer des BP aux femmes ayant un CS RE+ à risque de rechute, qu’elles aient ou non une ostéoporose. « Prescrire un traitement par biphosphonate même en l’absence d’ostéoporose après un CS RE+ chez les femmes ménopausées, va amener un changement majeur des pratiques et améliorer encore le pronostic de ce cancer », conclut le Pr Erick Legrand.
D’après un entretien avec le Pr Erick Legrand (Angers)
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