Les résultats de l’étude KEYNOTE présentés lors du congrès de l’ESMO à la fin de l’année 2016 ont clairement marqué une étape dans l’histoire de l’immunothérapie du cancer du poumon. Ils ont été publiés le même jour dans le NEJM (1) et ils soulèvent un véritable espoir.
Cette étude prospective randomisée de phase III a comparé un inhibiteur de PD1, le pembrolizumab (Keytruda), en monothérapie en première ligne, à une chimiothérapie à base de sels de platine (traitement de référence actuel) chez des patients qui souffraient d’un cancer avancé dont les tumeurs exprimaient un taux élevé de PDL1 (pourcentage de cellules tumorales ≥ 50 %). Sur un peu plus de 2000 patients, 305 ont été sélectionnés.
« C’est la première étude qui évalue une immunothérapie anti-PD1 en monothérapie versus une chimiothérapie conventionnelle, celle que nous pratiquons dans la « vraie vie » : après 4 cycles de chimiothérapie, les patients avaient la possibilité d’avoir une chimiothérapie de maintenance ».
« La majorité des malades ont reçu un doublet à base de pemetrexed suivi d’une maintenance de continuation ce qui constitue le traitement optimal en vraie vie ; en revanche, l’utilisation du bevacizumab n’était pas autorisé », souligne le Pr Jacques Cadranel (hôpital Tenon, Paris).
Les conditions de la « vraie vie »
Les patients sélectionnés avaient pour la plupart un adénocarcinome (80 %) : 20 % de carcinome épidermoïde. Ils n’avaient pas de mutation de l’EGFR, ni de translocation ALK, et peu de métastases cérébrales (<10 %). Ils étaient en bon ou assez bon état général. La majorité était des patients de type caucasien. Ils étaient pratiquement tous fumeurs ou anciens fumeurs (> 90 %).
« Cette population est celle que nous rencontrons avec les deux facteurs de mauvais pronostic (fumeur et métastases cérébrales) qui étaient d’ailleurs un peu plus présents dans le groupe traité par pembrolizumab », ajoute le Pr Cadranel.
Le critère primaire était la survie sans progression et les critères secondaires, le taux de réponse et la survie globale.
Les résultats ont nettement montré la supériorité du traitement par l’anticorps anti-PD1. L’étude a été interrompue très rapidement dès la première analyse intermédiaire car l’effet était très important.
Après un suivi moyen de 11,2 mois, la survie sans progression s’est établie à 10,3 mois pour le bras immunothérapie contre 6 mois pour le groupe chimiothérapie (HR = 50, p < 0,001). « Ces résultats spectaculaires sont proches de ceux que l’on obtient avec les thérapies ciblées chez les patients porteurs de mutation, déclare le Pr Jacques Cadranel. L’analyse en sous-groupes montre que tous les malades tirent bénéfice de l’immunothérapie, quel que soit leur âge, le sous-type histologique, la présence ou non de métastases cérébrales… ».
Le risque combiné de progression et de décès était abaissé de moitié. Le taux de réponse était plus élevé avec le pembrolizumab : 43 % versus 28 % avec la chimiothérapie. Enfin, la survie globale a été améliorée : à 6 mois, 80 % sous pembrolizumab contre 72 % dans le bras chimiothérapie et à 12 mois, 70 % contre 54 %.
Dans cette étude, le profil de tolérance du pembrolizumab concorde avec celui obtenu dans les précédentes études.
Le problème de la sélection des patients
Déception, en revanche pour le nivolumab ; l’étude CheckMate 026 n’a pas pu prouver son efficacité en première ligne comparé à une chimiothérapie.
« La population des patients était plus large et plus hétérogène avec un faible niveau d’expression de PDL1 (> 10 %) et une répartition en défaveur du bras nivolumab, déclare le Pr Jacques Cadranel. Tous les anti-PD1 ne sont peut-être pas équivalents. Cela pose également la question de l’identification des populations d’intérêt et du besoin d’une harmonisation pour valider une immunohistochimie qui testera PDL1 avec les meilleures chances de reproductibilité et de prédiction de l’effet thérapeutique ».
Beaucoup de questions se posent encore. Pour les malades ayant moins de 50 % de taux d’expression de PDL1, faut-il associer la chimiothérapie et l’immunothérapie ? Ou faut-il avoir un certain niveau d’expression de PDL1 pour avoir un effet synergique… Ou bien faut-il combiner plusieurs immunothérapies ?
(1) Reck M, Rodríguez-Abreu D, Robinson A, et al. Pembrolizumab or Chemotherapy in PD-L1–Positive Non–Small-Cell Lung Cancer. N Engl J Med. DOI: 10.1056/NEJMoa1606774
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