En décembre, un décret du ministère de la Santé va autoriser une dizaine de centres à traiter des patients par cellules CAR-T. Au cours du colloque organisé sur le sujet par « le Quotidien » et le magazine « Décision Santé », les médecins et les pharmaciens ont détaillé le circuit complexe qui devra être mis en place, du prélèvement des lymphocytes T à leur réinjection.
En attendant l'avis de la commission de transparence de la haute autorité de santé (HAS) et les discussions sur le prix, les centres qui désireront prescrire des cellules CAR-T cells dans le cadre de la recommandation temporaire d'utilisation (RTU) devront organiser un parcours rigoureux du patient et du médicament.
La législation européenne considère que la transformation des lymphocytes T en CAR-T cells constitue une modification s'apparentant à un médicament plutôt qu'à une thérapie cellulaire. Cette classification n'est pas anodine puisqu'elle limite le développement de la production par les centres de thérapie cellulaire, ces structures ne disposant pas de l'autorisation d'ouverture d'établissement pharmaceutique.
Par ailleurs, cela impose des contraintes logistiques fortes. « Nous prélevons les cellules du patient par aphérèse et les adressons au laboratoire, explique le Pr Jérôme Larghero, responsable de l'unité fonctionnelle de Thérapie cellulaire de l'hôpital Saint-Louis (AP-HP). Il s'agit donc d'un produit de thérapie cellulaire qui part et qui revient sous forme de médicament. » En tant que médicament, les CAR-T cells doivent être prises en charge par les pharmacies à usage intérieur (PUI). Le problème, « est qu'il s'agit d'un médicament très particulier, car vivant et cryopréservé, poursuit le Pr Larghero. Les PUI n'ont pas forcément les locaux ni les compétences pour en assurer la pleine prise en charge. À Saint-Louis, nous avons résolu la question avec la présence des pharmaciens de la PUI lors de la réception des cellules dans notre centre où elles seront stockées dans l'azote liquide. Elle est donc sous leur responsabilité ». L'organisation et la coordination entre services pour stocker, décongeler et réadministrer les CAR-T cells seront au cœur de l'arrêté qui sera prochainement publié par l'Institut national du cancer et la direction générale de l'offre de soin. Il servira de base au décret du ministère.
2 à 4 mois d'attente
Les CAR-T cells posent d'autres défis organisationnels, dès la collecte des lymphocytes T par aphérèse. Le prélèvement doit s'effectuer à distance de la dernière chimiothérapie afin de préserver le taux de lymphocytes T du patient. « On travaille par cathéter dans les deux bras, explique le Pr Christian Chabannon, responsable de l'unité de thérapie cellulaire de l'institut Paoli Calmette, à Marseille. Il faut environ 1 h 30 par volume sanguin traité, ce qui signifie que le patient doit rester 3 à 4 h 30 sans bouger ni aller aux toilettes. »
À leur retour, les cellules CAR-T doivent être décongelées moins de 30 minutes avant leur réinjection chez le patient préalablement immunodéprimé. Entre l'aphérèse et la réinjection, 2 à 5 mois se sont écoulés. « L'agence européenne du médicament nous a imposé d'avoir 4 doses de RoActemra (tocilizumab) disponible en permanence pour la prise en charge des éventuels syndromes de relarguage des cytokines, explique Isabelle Madelaine-Chambrin, chef du service pharmacie hospitalière de l'hôpital Saint-Louis. Quand plusieurs réinjections sont prévues sur une semaine, notre réfrigérateur devient un stock de RoActemra. »
Pour l'heure, seuls 4 centres en France sont habilités à prescrire des CAR-T cells dans le cadre d'une recommandation temporaire d'utilisation : Saint-Louis et Robert-Debré à Paris (AP-HP) et l'hôpital Lyon Sud pour Kyriah et le CHU de Nantes pour Yescarta. « 10 à 15 centres en France devraient être habilités à la fin de l'année, principalement ceux qui sont ou vont être impliqués dans des études cliniques », estime le Pr Larghero.
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